Issu du recueil Débarcadères, le poème "Marseille" propose, à partir de l'évocation de la ville, la vision du monde de l'auteur avec le goût de la vie, une vie quotidienne familière et simple. Véritable vision capturée de la ville lumineuse et tourmentée, Supervielle éveille des images qui permettent au lecteur d'en prendre possession. Néanmoins éphémère, cette prise de possession est vouée à l'échec, invitant à l'inquiétude qui transparaît à la fin du poème. Poème construit sur le principe de l'accumulation, il traduit la diversité du mouvement de la vie et semble suivre une progression : de l'espoir (avec la sortie de la ville de l'eau, image de naissance) à la méditation inquiète, en passant par la plénitude de la vie. Espoir, bonheur et inquiétude y sont les trois sentiments dominants de l'homme.
I- Une « photographie » de la ville de Marseille
a- Une ville portuaire
Dès le premier vers, l'allégorie "Marseille sortie de la mer" dépasse la simple vue prosaïque d'une ville portuaire. Les deux premiers mots et la phrase nominale qui suit font part de la soudaineté du surgissement de la mer bien sûr mais aussi de l'imagination du poète. Le poète ne prend pas le temps de construire une phrase pour livrer tous les éléments de cette irruption.
L'allégorie empêche immédiatement de prendre dans un sens purement descriptif les éléments les plus simples. De fait, les poissons de roche et les coquillages (vers 1) ne sont pas seulement aux étalages des marchés, ils sont en elle, comme si elle était la mer. Cette idée se construit progressivement, au gré de l'apparition des éléments qui appartiennent de plus en plus au milieu marin et qui sont de plus en plus étonnants dans l'ordre de la raison :
- l'iode (vers 1), certes élément du milieu méditerranéen, mais également présent dans l'air en bord de mer (...)
[...] Ainsi, l'adjectif jolies enlève au mot filles ce qu'il aurait eu, surtout en 1927, de péjoratif en connotant des prostituées. Cette humanisation du cosmos, qui bouscule (vers 10) les êtres et mêle les éléments (l'eau et le feu - soleil et torrents le ciel) constitutifs de la vie, montre l'amour sans pudeur, en pleine lumière : les cafés enfantent sur le trottoir (vers la gorge des femmes (vers les pousse du côté des jolies filles (vers 11). Donnant une impression de profusion, la vie naît d'un être inanimé (les cafés) et témoigne d'une symbiose entre les êtres et les lieux. [...]
[...] - une insatisfaction du poète et de Marseille : je t'en prie (vers toi qui ne peut t'en aller (vers 17-18). On découvre donc l'imprégnation du monde humain par la nature, qui donne à l'humanité quotidienne de Marseille une dimension cosmique, et, en retour, l'imprégnation de la nature par l'humanité. II- La dimension symbolique du poème Un hymne à la vie (vers 1 à 13) On relève ainsi : - la transfiguration du geste humain En plus de l'évocation des rencontres humaines favorisées par une ville portuaire (Le beau rendez-vous de vivants, vers la transfiguration du geste humain grandit l'humanité jusqu'à lui permettre de prendre possession de l'espace (qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel, vers 4). [...]
[...] Et la lune est un singe échappé au baluchon d'un marin Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit. Marseille, écoute-moi, je t'en prie, sois attentive Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur, Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu Ô toi toujours en partance Et qui ne peut t'en aller, À cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer. Jules Supervielle, Débarcadères, Marseille (1927). ETUDE ANALYTIQUE Introduction Jules Supervielle (1884-1960) est un poète et écrivain français. [...]
[...] Issu du recueil Débarcadères le poème Marseille propose, à partir de l'évocation de la ville, la vision du monde de l'auteur avec le goût de la vie, une vie quotidienne familière et simple. Véritable vision capturée de la ville lumineuse et tourmentée, Supervielle éveille des images qui permettent au lecteur d'en prendre possession. Néanmoins éphémère, cette prise de possession est vouée à l'échec, invitant à l'inquiétude qui transparaît à la fin du poème. Poème construit sur le principe de l'accumulation, il traduit la diversité du mouvement de la vie et semble suivre une progression : de l'espoir (avec la sortie de la ville de l'eau, image de naissance) à la méditation inquiète, en passant par la plénitude de la vie. [...]
[...] Malgré tout, Supervielle conserve son humour et le poème se termine, non par une image dramatique mais, sur un verbe marqué par la familiarité et la tendresse : mordillent. Conclusion Si cette analyse est loin d'être exhaustive, elle n'en vise pas moins à mettre en lumière que la poésie de Supervielle tire sa beauté émouvante de la curieuse tentative d'exprimer par une écriture étonnamment simple la recherche subtile de soi-même, de l'essence de l'être humain, de tout ce qui vit, bref de l'indéchiffrable univers avec lequel il communie. [...]
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