Journaliste, auteur dramatique et romancier français, Marivaux (1688-1763) était considéré comme un brillant moraliste jusqu'à ce que, ruiné par la banqueroute de Law en 1720, il trouve sa voie dans le théâtre qui l'amènera à être considéré comme le maître français du masque et du mensonge. Il reprend la devise « corriger les moeurs par le rire », se situant entre la bouffonnerie et l'improvisation traditionnelle de la commedia dell'arte, avec ses personnages stéréotypés (essentiellement Arlequin), source de burlesque, et un théâtre plus littéraire et psychologique. C'est ainsi qu'il s'attache à la comédie, qu'il remodèle en exploitant toutes les ressources offertes par les Comédiens-Italiens et leurs traditions de jeu. Ses pièces possèdent un aspect expérimental qui les éloigne de la comédie de moeurs réaliste à la mode. Marivaux joue avec les codes de la comédie en faisant représenter sur la scène de la Comédie-Italienne des pièces féeriques (Arlequin poli par l'amour), romanesques (Le Prince travesti) et utopiques (L'Île des esclaves). En outre, il inaugure une forme promise au succès : la comédie de sentiment.
L'Île des esclaves est une comédie en un seul acte de 11 scènes rédigées en prose, représentée pour la première fois en mars 1725. Utilisant le décor d'une île, elle constitue un instrument de critique indirect de la société contemporaine, de ses dysfonctionnements et de ses travers. Elle repose sur une originalité dramatique, prenant la relation qui unit le maître et son serviteur, et est d'autant plus audacieuse qu'elle montre des relations de servitude renversées : sur l'île qu'il imagine, l'auteur offre à ses contemporains le contraire de ce qu'ils observent dans leur univers social.
Dans la première scène, deux naufragés athéniens, Iphicrate et son esclave Arlequin, découvrent qu'ils ont échoués sur une île qui est le refuge d'anciens esclaves grecs qui se sont affranchis de leurs maîtres. Arlequin profite de sa liberté retrouvée tandis qu'Iphicrate craint pour sa vie et ses droits. (...)
[...] - Badin comme vous tournez cela ! Il chante : L'embarquement est divin 55 Quand on vogue, vogue, vogue, L'embarquement est divin, Quand on vogue avec Catin (13). IPHICRATE, retenant sa colère. - Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin. ARLEQUIN. - Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez 60 coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là ; et le gourdin est dans la chaloupe. IPHICRATE. - Eh ! [...]
[...] L'utopie va alors permettre de lancer la problématique essentielle de la pièce, le devenir des deux personnages dans un lieu où les rapports de servitude sont bouleversés. Au renversement concret de situation marqué par le naufrage va correspondre un renversement moral que revendique déjà le valet qui affirme dès cette première scène son refus d'obéir à Iphicrate (lignes 74 à qui, lui, voudrait absolument fuir cette île. II- La dégradation du couple maître-valet L'opposition de deux mondes - Celui d'Arlequin est symbolisé par sa bouteille de vin (mais reposons-nous auparavant pour boire un petit coup d'eau-de-vie : j'ai sauvé ma pauvre bouteille, lignes 15-16). [...]
[...] - Ce sont des esclaves de Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici : tiens, voici sans doute quelques-unes de leurs cases ; et leur coutume, mon cher Arlequin, est de 25 tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de les jeter dans l'esclavage. ARLEQUIN. - Eh ! chaque pays a sa coutume ; ils tuent les maîtres, à la bonne heure ; je l'ai entendu dire aussi, mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi. IPHICRATE. - Cela est vrai ARLEQUIN. - Eh ! encore vit-on IPHICRATE. - Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut- être la vie : Arlequin, cela ne te suffit-il pas pour me plaindre ? ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. [...]
[...] Cependant, à partir des explications concernant l'île des Esclaves, son autorité se manifeste de plus en plus mais demeure stérile et vaine. Mais, alors qu'Arlequin ne lui obéit plus, le maître continue à jouer son rôle, comprenant que la situation est à son désavantage, comme l'indique l'aparté Le coquin abuse de ma situation ; j'ai mal fait de lui dire où nous sommes (lignes 42-43). Il décide alors de déguiser l'autorité en amitié et de dissimuler ses sentiments, comme en témoigne la didascalie retenant sa colère (ligne 58). [...]
[...] Ses pièces possèdent un aspect expérimental qui les éloigne de la comédie de mœurs réaliste à la mode. Marivaux joue avec les codes de la comédie en faisant représenter sur la scène de la Comédie-Italienne des pièces féeriques (Arlequin poli par l'amour), romanesques (Le Prince travesti) et utopiques (L'Île des esclaves). En outre, il inaugure une forme promise au succès : la comédie de sentiment. L'Île des esclaves est une comédie en un seul acte de 11 scènes rédigées en prose, représentée pour la première fois en mars 1725. [...]
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