Le Mariage de Figaro, acte III, scène 16, Beaumarchais, place de la femme dans la société du XVIIIe siècle, scène de reconnaissance
La scène de reconnaissance est un topo de la comédie, elle prend place généralement à la fin de la pièce. Les jeunes amants dont le mariage était compromis retrouvent un membre de leur famille, disparu depuis longtemps. Ce « coup de théâtre » permet au couple de se marier. (ex : L'Avare de Molière). Dans la pièce de Beaumarchais, ce véritable coup de théâtre comique joue un rôle important dans l'intrigue. Figaro, dont le mariage était compromis par le procès de Marceline, découvre que cette dernière est sa mère et va donc de nouveau pouvoir espérer épouser Suzanne. Mais Beaumarchais introduit ce topo un peu galvaudé, original avec une certaine dose de comique, frôlant parfois même la parodie.
[...] D'abord Marceline part de l'évocation de son expérience personnelle, de sa propre histoire afin d'éveiller la pitié du spectateur. J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? On notera l'emploi de l'imparfait qui prouve qu'elle évoque ici sa jeunesse. [...]
[...] (Cela permet à Figaro de critiquer une fois de plus la justice). Cette scène de reconnaissance relance l'intrigue en venant perturber les projets du Comte Sot événement qui me dérange et est très largement teintée de comique. Mais sur ce ton de légèreté, Beaumarchais en profite pour aborder un sujet beaucoup plus sérieux et qui sera cher à un certain nombre des philosophes des Lumière, la place de la femme dans la société du XVIIIe siècle. Dans ce second temps, nous allons montrer qu'on est en présence d'une tirade argumentative sur la place de la femme dans la société du XVIIIe Siècle. [...]
[...] Elle s'adresse directement à la gente masculine en l'apostrophant. Elle fait une accusation du comportement des hommes qui est renforcé par l'adjectif ingrats lui-même renforcé par le superlatif plus Ah sous tous les aspects votre conduite nous fait horreur ou pitié Il y a un renversement, car c'est Marceline qui traite les hommes avec le mépris avec lequel ils traitent les femmes. Tel nous juge ici sévèrement qui peut-être en sa vie a perdu dix infortunées Elle accuse les hommes de juger sévèrement les femmes qu'ils ont eux-mêmes mises enceintes. [...]
[...] La stratégie argumentative de Marceline évolue. Progressivement elle ne s'adresse plus uniquement aux sentiments, mais aussi à la raison. Il y a une généralisation du discours de Marceline : elle passe de sa propre expérience je à celle de nombreuses femmes nous L'âge où les séducteurs nous assiègent À travers l'emploi du nous et du présent de vérité générale elle se fait la porte-parole de toutes les femmes, elle ne s'adresse plus aux sentiments, mais à la raison de son auditoire, car elle prouve ainsi qu'elles sont nombreuses à être dans ce cas. [...]
[...] La réaction de Figaro est comique. À l'inverse des scènes traditionnelles de reconnaissance, il ne semble pas satisfait de cette découverte. Le comique de mot de ces onomatopées est renforcé par la didascalie désolé Marceline : est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ; Figaro : jamais Marceline interroge Figaro pour savoir si son instinct naturel de fils ne lui avait pas dicté à son égard de l'amour. On notera le décalage comique entre l'espoir de Marceline (dans son rôle de mère aimante) et l'attitude répulsive de Figaro (encore trop conscient qu'il vient de perdre son procès et qu'il doit épouser Marceline). [...]
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