Le Comte semblait une nouvelle fois berné : il croyait trouver Chérubin dans le cabinet de toilette jouxtant la chambre de la Comtesse, il n'y a trouvé que Suzanne. On aurait alors pu croire tout danger éloigné. Le mariage de Figaro et de Suzanne devrait être heureusement conclu ; mais dans la scène 21, l'action rebondit avec l'arrivée d'Antonio, le jardinier, qui a vu un homme « jeté » par la fenêtre et qui a piétiné ses giroflées. Figaro l'accuse d'être ivre et, profitant de ce qu'Antonio n'ait pu reconnaître Chérubin, prétend que c'est lui qui a sauté.
Passage important dans l'intrigue de la pièce, cette scène du témoin nous ramène au genre de l'oeuvre, à savoir la comédie d'intrigue. Figaro essaie de construire une version acceptable des événements alors que le Comte le somme de s'expliquer. Il ne s'en tirera à son avantage qu'avec l'aide de la Comtesse et de Suzanne (...)
[...] Effleurée : enlever les fleurs ; jeu de mots puisque les giroflées ont été écrasées. En : du vin. L'usage exigerait, comme aujourd'hui, « Excellence » sans l'adjectif possessif. Jarni : juron paysan (à l'origine : je renie). Gourde : coup violent qui engourdit. Train : tapage. Brimborion : chose sans importance, sans valeur. Qui a coulé : qui a glissé. En tombant : quand vous êtes tombé. Vilain : dans les deux sens du terme, au sens ancien de paysan, de rustre et au sens moderne de méchant. Povero : pauvre (mot italien). [...]
[...] Conclusion Dans cette scène assez révolutionnaire, le premier affrontement direct entre le Comte et Figaro tourne à l'avantage du valet. La suite de la pièce verra cet ascendant se confirmer. Par ailleurs, il est possible de remarquer qu'elle représente plusieurs aspects de l'œuvre, et notamment le comique de l'intrigue. Toute la pièce est guidée par l'intrigue avec ses rebondissements et ses retournements de situation. Cette scène du témoin y a certes sa place, mais l'humour n'en est pas exempt. Avec comique, la vivacité du rythme et la finesse des dialogues transportent le lecteur dans l'intrigue. [...]
[...] De plus, les interventions de Figaro vont parvenir à lui faire perdre le fil de l'intrigue. Le comique de gestes C'est d'abord le cas des indications fournies par les didascalies, notamment avec les multiples apartés mais aussi avec l'énervement du Comte (avec feu, ligne 13 ; vivement, ligne 25 ; le secoue avec colère, ligne 30 et les dialogues qui renseignent sur des événements hors scène, comme celui qu'Antonio présente de manière très comique : et tout à l'heure encore on vient d'en jeter un homme (lignes 5-6). [...]
[...] En effet, il y a dans cette scène un véritable « art du dialogue ». Il épaule le comique par un rythme musical, sans aucune pause dans les échanges. Ainsi, on ne retrouve aucune tirade dans le texte, mais pratiquement que des stichomythies donnant de la vivacité au dialogue, avec : beaucoup de silences brusques qui interrompent les phrases, en général marqués par des points de suspension, comme par exemple lignes 31 à 33 : ANTONIO. Oui, mon Excellence ; tout à l'heure, en veste blanche, et qui s'est enfui, jarni, courant . [...]
[...] Le valet peut ainsi se permettre quelques excès d'insolence, comme par exemple aux lignes 28-29 : Si vous n'avez pas assez de ça pour garder un bon domestique, je ne suis pas assez bête, moi, pour renvoyer un si bon maître. Face au sérieux du Comte, on retrouve un valet presque ivre (demi-gris, ligne et dont la seule préoccupation est son pot de giroflées écrasées. C'est ainsi que le comique va estomper le dramatique de l'intrigue. Antonio est le seul intrus de cette réelle scène d'intrigue : le valet bouffon qui fait rire. [...]
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