Jules Renard ne se fait plus d'illusions : « La femme est un roseau dépensant. » Alphonse Karr n'est pas en reste : « L'amitié de deux femmes n'est jamais qu'un complot contre une troisième. » Même Anatole France apporte sa petite touche personnelle : « Une femme sans poitrine, c'est un lit sans oreiller. » La misogynie est un lieu commun de la littérature. Et pourtant, dès la Renaissance, Marguerite de Navarre, dans l'Heptaméron, introduit une guerre des sexes, laissant la parole à la gente masculine comme à la gente féminine et créant ainsi un véritable débat basé sur un équilibre des sexes. L'alternance de la parole est respectée, que ce soit dans les devis ou au sein d'une journée entière ; les devisants sont soumis aux mêmes contraintes de véridicité des récits (par exemple). C'est pourquoi il est ici nécessaire de se demander, en quoi cette nouvelle ultime de la deuxième journée est un exemple de la guerre des sexes dans l'Heptaméron de Marguerite de Navarre. Pour répondre à cela, nous diviserons la nouvelle selon le schéma narratif et nous analyserons d'abord, la mise en place de l'histoire, puis nous étudierons la mise en place de l'action et pour finir, nous examinerons le dénouement final empreint de morale (...)
[...] Le gentil homme semble devoir accomplir une véritable quête pour rejoindre celle qu'il aime. Cela ressemble à une chasse dans les bois, chasse pendant laquelle le chasseur/prédateur chercher sa proie. Le lieu est, en effet, une garenne soit un lieu à la campagne planté d'arbres, où vivent des lapins dont la chasse est réservée. Le chasseur est venu à cheval et part chercher sa proie à pied. La phrase Il commença à plus que jamais espérer quelque bonne fortune pour luy ou l'expression la povoir trouver seulle sont des allusions à l'espérance que nourrit le gentilhomme de pouvoir arriver à des fins sexuelles avec la veuve. [...]
[...] D'abord, le portrait de l'homme est assez construit de manière assez révélatrice. On nous parle d'un gentil homme dénomination répétée deux fois et propre aux hommes légitimement nobles. Ils possédaient la gentillesse c'est-à-dire la noblesse légale. Le terme nous indique donc une noblesse de rang (il fait en plus partie de la Cour du roi) et une noblesse de cœur Ses qualités morales sont aussi mises en relief par le mot honneste terme fort qui souligne à la fois sa vertu et son honneur, ainsi que sa loyauté et sa politesse. [...]
[...] L'aspect excessif du protagoniste est marquant et nous amène à nous questionner : le portrait est tellement hyperbolique qu'il en devient caricatural. Saffredent semble vouloir signaler un amour presque insensé étant donné les excès qu'il comporte. Ensuite, le conteur ayant auparavant quelque peu averti son public grâce au portrait du gentilhomme, met en scène une amitié assez paradoxale. Le lecteur de la nouvelle a déjà des doutes concernant la réciprocité de l'amour des deux jeunes gens quand il lit l'expression Et luy, qui se sentoit beau et digne d'estre aymé, croyoit fermement ce qu'elle lui juroit souvent : tout ne repose que sur des suppositions. [...]
[...] Elle ne tarit pas d'éloge sur son amant, utilisant avec abondance l'emphase : aymoit plus que tous des hommes du monde pour luy seullement le plus parfaict qu'elle avoit jamais connu La veuve fait sentir à son amant qu'il est unique et sublime à ses yeux pour mieux introduire sa demande : elle lui somme de respecter la distance qu'elle met entre eux, elle préfère un amour platonique, prétendre davantage pouvant signifier l'union charnelle. Elle le menace même de le quitter s'il ne respecte pas le pacte. C'est bien d'un compromis dont il s'agit. Dans cet amour, il n'existe aucun équilibre et c'est la femme qui a le pouvoir. Elle lui inspire l'amour qu'il a pour elle et lui dicte sa conduite. C'est ce que les devisants appelleraient la malice féminine. [...]
[...] Simontault condamne l'utilisation de la fausse dévotion pour parvenir à ses fins : Il y a des femmes qui veullent avoir des évangélistes pour prescher leur vertu et leur chasteté C'est l'honnêteté des femmes qui est remise en cause. Mais ce n'est pas le seul objet de la nouvelle. Saffredent insiste sur sa condamnation des excès de l'amour à travers le portrait d'un gentilhomme transi d'amityé pour une veuve et à travers les topoï pétrarquistes de l'amour comme agréable douleur. Le conteur accorde à son auditoire un œil omniscient capable de deviner les faux-semblants d'un amour inégal. [...]
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