"Rire est le propre de l'homme", a écrit Rabelais. Il est vrai que dans ses ouvrages, et particulièrement dans "Gargantua", Rabelais nous invite à rire de différentes situations auxquelles sont confrontés ses personnages. Dans son "Étude sur le comique de Rabelais" (1964), Marcel Tetel propose l'analyse suivante : "Le comique se divise en deux genres. D'une part, il y a le comique qui met le rire au service d'une idée ; c'est le comique didactique. Cette forme de comique se rencontre dans la satire, dont le but est de corriger les vices de l'homme en l'amusant et en le délivrant du faux. D'autre part, nous avons le comique absolu, le rire physiologique, qui oppose au rire de la critique sociale le rire comme moyen d'évasion hors de la condition de l'homme : nous rions sans contrainte pour exprimer la pure joie de vivre. Ce comique pur constitue le rire le plus spontané qui, précédant l'intuition, existe en fonction de lui-même [...]. Le comique de Rabelais se prête à deux interprétations générales : l'une souligne la valeur symbolique et l'autre la valeur thérapeutique du rire."
Ce qui est comique est ce qui provoque le rire, et ce terme s'applique donc bien à Gargantua. Seulement, ici, Marcel Tetel précise sa pensée en distinguant le comique didactique du comique absolu. Ces deux formes de rire selon lui constituent les deux interprétations possibles du rire dans "Gargantua". On peut alors se demander si l'on retrouve bien ces deux interprétations dans Gargantua et si on peut limiter le comique de ce livre à ces deux genres de comique.
[...] Il se pose comme un combattant au service du vin et non au service divin et jure sans cesse, avec beaucoup de haine et de hargne. On retrouve ici à la fois une incompatibilité avec le style héroïque et noble de l'épopée ainsi qu'une parodie du monde religieux, d'ordinaire pacifiste et sage. Le monde religieux sera aussi parodié à l'extrême avec l'épisode de l'abbaye de Thélème. Mais le comique didactique s'exprime aussi à travers le comique satirique, dont Rabelais use afin de ridiculiser les personnages ou les institutions qu'il critique ou rejette. [...]
[...] A l'origine, le carnaval était le lieu de réjouissances où les hiérarchies habituelles étaient inversées. On se moquait alors de ce qui était sérieux et on ridiculisait les puissants. Cela permettait de porter un regard rieur sur ce qu'on aimait ou même à propos de ce que l'on vénérait comme le Christ et la religion par exemple. On sait que Rabelais a participé à de telles réjouissances. Lors du carnaval, un langage plus familier était employé et on retrouve cette désinvolture du langage dans tout le Gargantua. [...]
[...] En somme, on peut constater que le comique didactique et le comique absolu sont bien deux formes importantes de comique chez Rabelais. Seulement, elles ne sont pas nécessairement opposées l'une à l'autre et on peut même en observer une certaine complémentarité dans l'œuvre. Enfin, d'autres formes de comiques sont présentes dans Gargantua comme un comique basé sur les mots eux-mêmes ou un comique qui s'appuie sur un mélange des genres. Gargantua ne se limite donc pas à la valeur symbolique ou thérapeutique du comique mais au contraire, est empli d'une multitude de formes de comiques qui en font sa richesse. [...]
[...] D'autre part, nous avons le comique absolu, le rire physiologique, qui oppose au rire de la critique sociale le rire comme moyen d'évasion hors de la condition de l'homme : nous rions sans contrainte pour exprimer la pure joie de vivre. Ce comique pur constitue le rire le plus spontané qui, précédant l'intuition, existe en fonction de lui- même [ . Le comique de Rabelais se prête à deux interprétations générales : l'une souligne la valeur symbolique et l'autre la valeur thérapeutique du rire. [...]
[...] Cependant, dans son analyse, Marcel Tetel définit ces deux genres de comiques comme étant deux interprétations générales ce qui sous- entendrait qu'elles sont totalement indépendantes et séparées l'une de l'autre, sans lien possible. Ne serait-il pas alors possible d'envisager à la fois une opposition de ces deux notions du comique mais aussi une complémentarité de ces dernières ? Valeur symbolique et valeur thérapeutique : entre opposition et complémentarité deux types de comiques à visée différente la valeur didactique et symbolique oblige le lecteur à entamer une réflexion sur certains thèmes récurrents de l'œuvre. [...]
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