Manon Lescaut - L’Abbé Prévost : La tirade de Des Grieux à Tiberge sur le bonheur

Résumé du document

L'Abbé Prévost, ordonné prêtre en 1726, mène une existence mouvementée entre rigueur religieuse et voyages aventureux en Europe. Devenu traducteur de romans anglais et romancier fécond, toute son œuvre sombre dans l'oubli excepté un récit inséré dans son autobiographie Les mémoires d'un homme de qualité : Manon Lescaut (1731) dont nous allons étudier un extrait. Des Grieux, au départ destiné à embrasser une carrière ecclésiastique, a changé de voie en rencontrant Manon Lescaut, l'héroïne éponyme. Il discute ici avec son ami Tiberge, resté fidèle à sa foi religieuse, de sa conception du bonheur.

Extraits

[...] Il réfute ce postulat par une proposition juxtaposée simple et péjorative c'est un paradoxe insoutenable (l. 7). Le lien entre bonheur, amour et douceur est résumé dans la formule superlative finale de tous les plaisirs, les plus doux sont ceux de l'amour (l. 32/33). Conclusion : Des Grieux fait une profession de foi libertine en combattant les propos de Tiberge et en opposant leur conception respective du bonheur par une présentation péjorative que l'un fait de l'opinion de l'autre et vice- versa. [...]

[...] Toutefois, la conjonction de coordination d'opposition mais (l. 15) introduis l'idée que l'amour souffrant trouve une large compensation comme l'accentue le jeu d'opposition entre le singulier un moment passé avec elle (l.16) et le pluriel tous les chagrins (l.15/16). L'adverbe de fréquence toujours en fait une vérité générale. Le Bonheur passe forcément par l'amour L'antithèse de la ligne 19 entre éloigné et proche met en relief le gouffre qui les sépare en réalité : Des Grieux croit au bonheur temporel sur terre tandis que son ami ne l'attend que post-mortem lorsqu'il arrivera au Paradis. [...]

[...] Le chevalier dans une argumentation structurée défend la sienne avec force en affirmant que le bonheur se trouve dans l'amour même si le parcours pour l'atteindre est douloureux. Par une audacieuse inversion des valeurs, il développe donc l'idée d'un bonheur fondé sur la recherche du plaisir qui bouscule l'austérité et la rigueur morale incarnées par son ami Tiberge. Hélas, ce penchant fougueux causera le malheur de Des Grieux qui croyant avoir tué un prétendant en duel s'enfuira avec Manon dans le désert où elle mourra d'épuisement. [...]

[...] Ce qui l'amène à conclure en ligne 27. Son raisonnement est construit par le biais de nombreux connecteurs logiques : or (l.9, mais (l.15), et (l.15) donc (l.17, car (l.19). Si au départ, il utilise essentiellement le pronom personnel de la deuxième personne du pluriel avec le pronom personnel vous comme complément (l. ou sujet 12) pour éliminer les idées de Tiberge ; il affirme ensuite les siennes avec le pronom personnel sujet à la première personne du singulier j'aime Manon je tends (l. [...]

[...] La conception de Des Grieux est blasphématoire par Tiberge qui y voit de l'impiété (l. 22) c'est-à-dire du mépris pour ce qui touche la religion puis de l'irreligion pure autrement dit de l'absence de convictions religieuses. Le double superlatif des plus libertines et des plus monstrueuses (l.24/25) fait du libertin, un monstre par association des deux qualificatifs dévalorisants. La présentation péjorative de la conception du bonheur de Tiberge par Des Grieux Des Grieux remet en question son ami Tiberge par deux questions rhétoriques qui appellent forcément une réponse négative. [...]