Toutes les aventures et les turpitudes semblent maintenant être apaisées : Des Grieux et Manon sont en Louisiane. Mais leur est venue une idée qui sera fatale : celle de se marier, pour consommer leur reconversion et débuter une vie modeste et pieuse. Ici va s'accomplir avec force l'ironie du sort que le chevalier Des Grieux avait lui-même auguré : "J'ai remarqué, dans toute ma vie, que le Ciel a toujours choisi, pour me frapper de ses plus rudes châtiments, le temps où ma fortune semblait le plus établie".
[...] Mais cette perspective de châtiment divin n'est pas exploitée : le chevalier ne témoigne d'aucun remord et ne s'étend pas sur le sujet. Prévost moraliste ? Dans l'Avis au Lecteur, Prévost se donne pour ambition une certaine moralisation à travers une peinture du vice : Outre le plaisir d'une lecture agréable, on y trouvera peu d'événements qui ne puissent servir à l'instruction des mœurs Mais le châtiment divin intervient d'une manière inattendue et étrange, et il n'est que peu perçu comme tel. [...]
[...] Le narrateur n'a plus le même enthousiasme, ni la même sincérité à relater. On note du reste une simplicité, par le vocabulaire et les juxtapositions, et une fluidité, par l'absence de liens logiques lourds et l'emploi d'une syntaxe simple, qui, couplées au dépouillement de l'action, relèvent de l'esthétique classique. Ton du récit Tristesse accablée mortellement soupirs malheureux lassitude mais également calme et chaleur doux plaisir chaleur tendresse tranquillement Les périphrases et les euphémismes confèrent au texte un ton de décence : je la perdis idole de mon cœur de même que l'absence de description, le refus d'effets faciles, la simplicité de la syntaxe, et l'absence de discours direct Elle me dit d'une voix modèrent l'expressivité. [...]
[...] Conclusion La mort de Manon clôt le roman de manière brutale. Prévost, dans ce morceau final, semble jeter le trouble sur la vision que nous avions du chevalier Des Grieux : celui-ci ne se livre pas à des emportements, ni aux larmes : son amour n'existait qu'à l'intérieur de lui, verser des larmes dans un monde qui lui a ôté Manon, c'est, dans doute, concourir une fois de plus à son malheur, c'est en avoir une preuve supplémentaire, et par là même le condamner à une souffrance éternelle. [...]
[...] L'amour sublimé L'attitude de Manon la révèle courageuse aussi longtemps que le courage de Manon elle meurt en silence, sans se lamenter. Soulignons l'héroïsme et la bravoure au moment de la mort marques d'amour, au moment même qu'elle expirait et l'idéalisation et la sublimation ma chère Manon l'idole de mon cœur Absence de révolte et pathétique Notons la présentation préalable du récit : un récit qui me tue pardonnez horreur Cependant, ainsi que l'illustre l'euphémisme Je la perdis la sobriété domine : il y a une quasi-ellipse de la mort, et celle-ci ne s'accompagne pas d'un sentiment de révolte, alors qu'à d'autres occasions, le moindre doute sur la santé ou le bien-être de Manon le font exploser, comme par exemple lorsqu'elle se trouvait à l'Hôpital. [...]
[...] Par ailleurs, deux interventions rapprochées marquent l'intensité de la douleur. A plusieurs reprises, Des Grieux, en racontant son récit, prévient le marquis de Renoncour par des formules telles que : Il faut l'avoir vécu Il n'y a rien de pire Ceci n'a pas d'exemple La formule est similaire dans notre extrait. L'organisation est donc bâtie autour d'un fait unique : Manon meurt, et avec elle s'atténue tout intérêt pour la narration, ou pour la peinture des sentiments amoureux du chevalier. [...]
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