L'extrait que nous allons étudier correspond à l'incipit de La Condition Humaine, publié tout d'abord par André Malraux dans la Nouvelle Revue Française et dans Marianne, puis en volume en 1933 et pour lequel il a obtenu le Prix Goncourt la même année. L'incipit est un type de texte, qui, en tant que scène liminaire du roman, répond généralement à trois caractéristiques. Tout d'abord, il est censé informer le lecteur en mettant en place les lieux, les personnages, et la temporalité du récit. Son rôle est aussi d'intéresser, et enfin de mettre en avant différents signes annonciateurs du genre littéraire auquel il appartient. Avec ce premier éclairage, nous allons déjà lire le texte et repérer en quoi il se démarque particulièrement de ce schéma traditionnel.
Cet incipit semble particulièrement étonnant, et nous allons au cours de cette analyse expliquer pourquoi il est aussi troublant et particulier. Deux mouvements se détachent de cet extrait, le premier correspond à la page 9, et le second à la page de droite, jusqu'à "c'était toujours à lui d'agir". Le premier mouvement porte sur la mise en place biaisée d'un cadre spatio-temporel flou, et le second traite de la lente évolution du personnage le poussant vers l'acte final.
[...]
21 mars 1927 : La première indication qui nous est donnée est une date, précise, qui, avec renseignements à l'appui, encre le texte dans un contexte historique précis : en mars 1927, l'armée révolutionnaire, dirigée par un certain Tchang Kai-chek, marche vers Shanghai. Des cellules communistes, à Shanghai même, l'aident à soulever la ville. Le personnage de Tchen va ainsi devoir assassiner un trafiquant d'armes pour distribuer ensuite le fret aux combattants clandestins. Voilà donc sur quel évènement s'ouvre le livre (...)
[...] Le personnage de Tchen semble ainsi dès cet incipit prédestiné au goût du meurtre. Assassiner n'est pas seulement tuer : Nous notons aussi une évolution nette dans le soliloque de Tchen : toujours sur le mode de l'auto persuasion, il confère à son geste une dimension autre que celle de la barbarie cruelle, par cette phrase qui s'apparente presque à un dicton, mais d'un caractère absurde et dangereux. Dans ses poches [ ] un court poignard : Le meurtre devient enfin le centre de l'action, avec une focalisation sur l'objet-poignard, c'est- à-dire l'arme du crime. [...]
[...] Tout d'abord, il est censé informer le lecteur en mettant en place les lieux, les personnages, et la temporalité du récit. Son rôle est aussi d'intéresser, et enfin de mettre en avant différents signes annonciateurs du genre littéraire auquel il appartient. Avec ce premier éclairage, nous allons déjà lire le texte et repérer en quoi il se démarque particulièrement de ce schéma traditionnel. [lecture] Cet incipit semble particulièrement étonnant, et nous allons au cours de cette analyse expliquer pourquoi il est aussi troublant et particulier. [...]
[...] Bêtement : car il savait qu'il le tuerait. Pris ou non, exécuté ou non, peu importait. Rien n'existait que ce pied, cet homme qu'il devait frapper sans qu'il se défendît, car, s'il se défendait, il appellerait. Les paupières battantes, Tchen découvrait en lui, jusqu'à la nausée, non le combattant qu'il attendait, mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu'il avait choisis : sous son sacrifice à la révolution grouillait un monde de profondeurs auprès de quoi cette nuit écrasée d'angoisse n'était que clarté. [...]
[...] L'adjectif bêtement entre aussi dans le domaine de l'auto persuasion, puisque ça n'est évidemment pas le narrateur qui parle. Pris ou non, exécuté ou non, peu importait : L'obsession de Tchen pour l'acte qu'il va commettre devient grandissante, et est mise en avant dans cette phrase par une gradation de rythme binaire avec répétition insistante : sa propre mort n'est finalement rien à côté de ce qu'il s'apprête à faire. Cette phrase entre en contraste avec sa terrible peur de combattre des ennemis éveillés énoncée plus tôt : le caractère de Tchen est dans cet instant fugitif et contradictoire. [...]
[...] : Les exclamations rapprochent le texte du réel discours, et créent à nouveau une proximité entre le lecteur et Tchen. Nous sommes face à un enchaînement rapide d'impressions et de leur effet sur le protagoniste. Suite aux klaxons, l'angoisse s'empare de Tchen et par enchaînement le dérèglement s'empare de la phrase : notons ainsi les effets de répétitions (combattre répété deux fois, ainsi qu'ennemis) qui accentuent le caractère obsessionnel de ces pensées chez Tchen. Nous restons dans le discours indirect libre, dans les sensations intimes du personnage : cette phrase s'apparente au monologue intérieur. [...]
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