Voici l'incipit du célèbre roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary, paru en 1857. L'auteur s'y affirmait comme le maître du réalisme, et créait une oeuvre remarquable, qui allait traverser les siècles. Nous parlons encore aujourd'hui d'une Bovary, pour désigner un certain type de femme, et de bovarysme, pour caractériser une attitude devant la vie. Cette exposition met en scène Charles Bovary, fils d'un ancien aide chirurgien major, ainsi que l'auteur le signale par la suite. Sa mère est fille d'un bonnetier. Le couple habite à la campagne, et Charles a d'abord poussé comme une belle plante, livrée à elle-même. Vers l'âge de quinze ans, on le conduit au collège de Rouen (...)
[...] Au contraire, Flaubert commence par le portrait de Charles, qui est en quelque sorte l'antithèse d'Emma. En face d'une jeune femme sensuelle, imaginative, trop rêveuse, l'auteur a campé un personnage lent, lourd, terre à terre, toujours satisfait de la vie, d'une bonté enfin qui va jusqu'à la bêtise. Ainsi l'écrivain évoque une société bourgeoise, où triomphent la médiocrité et la bêtise, avec Charles au premier plan. Et nous nous trouvons alors devant un paradoxe : une exposition qui ridiculise son héros et indirectement son héroïne Rappelons-nous enfin la casquette et sa longue description. [...]
[...] En fin de compte, Charles nous apparaît comme un héros burlesque, ou mieux, un anti-héros. Nous savons qu'il est plus grand que son âge, quinze ans environ, et qu'il devra rejoindre la classe des grands quand il aura fait ses preuves. Cette haute taille n'est donc pas à son avantage, quand nous nous représentons son habit d'Arlequin et son attitude ridicule. ( ( ( Après le portrait de Charles, la scène de la récitation des leçons et celle du lancer de casquettes constituent une transition, et ouvrent sur la description de la casquette .Son propriétaire ne sait pas s'en séparer, ce qui va encore le ridiculiser (ligne 33) On peut dire, sans exagération, que cette casquette le prolonge et le définit en quelque sorte. [...]
[...] Mais que signifie donc cette description démesurée ? Nous avons dit qu'elle fait partie intégrante du portrait de Charles, mais que pouvons-nous tirer de cette remarque ? ( ( ( La casquette nous apparaît tout d'abord comme le prolongement, l'attribut ridicule d'un être ridicule. Plus tard, nous verrons Charles, coiffé de sa casquette, sous le regard d'Emma, et nous comprendrons le refus profond de son épouse devant cette casquette, et toute sa personne, insignifiante et ridicule. Cette coiffure ne révèle-t-elle pas par son étrangeté, et son absence de signification, la lourdeur et le manque de réflexion de Charles ? [...]
[...] Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poil de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en 30 soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait. Levez-vous dit le professeur. Il se leva : sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire ( ) Voici l'incipit du célèbre roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary paru en 1857. [...]
[...] N'est-ce pas la parodie d'une cérémonie grandiose où le Proviseur survient en héraut, pour annoncer le héros, lui-même suivi d'un valet d'armes, le garçon portant le pupitre ! Vers la fin de l'extrait, toute la classe se mit à rire Songeons aussi au formidable chahut qui provoque un peu plus loin, le nom de Charbovary lancé à pleins poumons par Charles. Quant à Flaubert, c'est à la fois l'enfant qui participe à la scène, caché derrière le nous initial, et l'adulte qui se souvient, non sans ironie ou amusement. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture