Paul, Claudel, Lune, recherche, d'elle-même, extravaganza, radiophonique, commentaire, composé
« Une oeuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament », déclare E. Zola dans Mes Haines ; il semble ainsi nous inviter à considérer le processus de la création -ou plutôt re-création - artistique comme le passage d'un fragment du réel à travers le filtre de notre sensibilité. Mais encore faut-il que ce filtre restitue une unité ; encore faut-il être intensément conscient du vécu duquel notre sensibilité est tributaire ; car sinon, le tableau perd toute sa dimension artistique, il devient un dessin, une somme d'éléments qui se côtoient sans lien entre eux. C'est justement cela qui semble être en jeu dans notre extrait de La lune à la recherche d'elle-même, de P. Claudel ; nous sommes confrontés à une scène d'exposition plutôt déroutante. Au lieu de nous présenter personnages et intrigue, le choeur va en effet nous interpeller et instaurer une réflexion sur le processus de création artistique. Se révélant en fait être une correction d'une imparfaite oeuvre de jeunesse, la pièce installe un jeu de miroirs entre passé et présent ; pis, il semble bien -le choeur étant apparemment aussi peu sûr de lui que le dramaturge - que l'échec soit encore au rendez-vous. Mais face à ce constat déprimant, d'où vient que le lecteur se prenne à sourire des pitreries du choeur ? Il semble ainsi qu'il failli chercher au-delà des reflets et des contradictions ; au fond, ne pourrions-nous pas penser que le burlesque soit l'indice d'une unité retrouvée entre le dramaturge et son oeuvre ? A cet égard, nous considérerons d'abord notre extrait comme le bilan d'une vie sous la forme d'un jeu de miroirs ; nous évoquerons ensuite les difficultés qu'a éprouvées P. Claudel à composer une oeuvre dans sa jeunesse, ainsi que leurs causes. Cela nous mènera enfin à étudier le comique du texte - car après tout, n'est-il pas une « extravaganza » ?
[...] ; c'est la pièce elle-même qui semble avoir été frappée par le carnage. Elle demeure au stade de l'éparpillement, sorte de « monstre » (l. 54) de Frankenstein composé d'éléments assemblés dans une somme mais pas dans une unité. Voilà au fond le lien entre l'œuvre imparfaite et le registre morbide : les mythes bacchiques ne conduisent qu'au carnage et à la mort. Mais d'où vient ce sentiment de burlesque (rire provoqué par l'extravagance - ou devrions-nous dire l'extravaganza si le texte fait le constat d'un échec, voire d'un massacre ? [...]
[...] En effet, c'est bien « une maîtresse maligne » qui « lui a remis entre les mains » sa pièce imparfaite (l. 52). La difficulté pour le public apparaît cependant lorsque le chœur annonce qu'il « veu[t] voir la Lune elle-même » (l. 53) : et, en effet, la lune n'a pas la même signification pour l'auditeur et pour le poète – cette fracture est d'ailleurs soulignée par l'orthographe même : à la ligne 55, la lune est alternativement écrite avec et sans majuscule Pour le premier – qui fait partie du commun des êtres, le « nous » du chœur – la lune est le « satellite » qui effectue « la traversée [ ] d'un horizon à un autre » (l. [...]
[...] Claudel à composer une œuvre dans sa jeunesse, ainsi que leurs causes. Cela nous mènera enfin à étudier le comique du texte – car après tout, n'est-il pas une « extravaganza » ? Il convient tout d'abord de faire les constats les plus simples à propos du texte : il faut ainsi noter la dimension didactique de cette scène d'exposition. Nous nous pencherons ensuite sur la double identité du chœur ; enfin, nous constaterons que l'œuvre elle-même fait l'objet d'une mise en abyme. [...]
[...] En effet, si « c'est [lui] [ ] que l'on appelle le Chœur » (l. alors c'est une « substitué » du dramaturge. Est-ce à dire qu'il y a identification entre les deux ? Il faut attendre la ligne 66 pour que ce soit le cas : en effet, après avoir annoncé que l'auteur « s'est remis tout à coup à avoir quatorze ans » (l. 51-52), il se met à dire « j'ai quatorze ans ». Il semble donc que le « je » ait une double identité – tantôt chœur, tantôt dramaturge. [...]
[...] Certes le théâtre est lié à la civilisation grecque, d'un point de vue historique ; mais la vraie raison est à chercher dans l'éducation que P. Claudel a reçue. En effet, cette dernière est définie comme « classique » (l. 60) ; on peut supposer qu'il a ainsi beaucoup étudié les modèles antiques. A cet égard, il est d'ailleurs « bourré jusqu'à la gueule de vers latins et de catarapatacades grecques » (l. 36-37). Et de fait, il semble bien « qu'un écolier ne pouvait faire autrement » (l. [...]
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