Après la Seconde Guerre mondiale, la littérature s'est vue remise en question à différents niveaux. En effet, la prise de conscience aigue d'un monde sans valeur amena de nombreux questionnements. Est-il encore possible d'écrire de la poésie après les horreurs de la guerre ? La poésie notamment se voit ainsi associée à de nombreux doutes, d'autant mieux mis en évidence par le repliement intérieur des poètes et par une complexification des œuvres en général.
Mais si l'on continue à écrire des œuvres poétiques après la Seconde Guerre mondiale, comment envisage-t-on alors leur valeur et leur statut ? La parole poétique est-elle sincère ? Est-elle utile ? Est-elle indispensable ? A-t-elle un champ d'action ? A-t-elle un sens ?
Ces questions et ces doutes sont-ils constructifs ? Finalement, si la sincérité pendant l'époque moderne peut être associée à un doute fondamental dans la valeur et le statut de la parole poétique, ce doute, est-il une chose positive ? Nous envisagerons la question au travers de l'étude de poèmes des recueils "A la lumière d'hiver" de l'écrivain français Philippe Jaccottet et "Poèmes choisis" de l'écrivain anglais W. H. Auden, deux écrivains de l'après guerre illustrant bien le cycle de questionnement constant et la démarche dialectique dont il est question.
[...] Et c'est en ce point que Philippe Jaccottet rejoint son homologue poète. En effet, dans le premier poème de la section parler du recueil déjà précédemment cité, Jaccottet met en scène une poésie dans laquelle la parole se met elle-même en question. Par exemple, il met en avant une position en la retirant : Parler alors semble mensonge, ou pire ( ) Ainsi, si parler est un mensonge, dire que parler est un mensonge est un mensonge. Jaccottet utilise alors la parole pour enlever tout sens à la parole. [...]
[...] Cela signifierait qu'il serait prêt à faire du silence le symbole de l'art poétique, car la disparition de la poésie serait la sincérité absolue. En effet, le langage réduit le monde alors que le blanc et le silence ne le réduisent pas. Mais cette vision de l'art poétique peut paraître dangereuse, en ce qu'elle implique la mort de l'écriture. Ainsi, W. H. Auden propose de remédier à ce problème en joignant les deux bouts. Dans son poème La grotte de la création il est question du lieu où le poète écrit ses poèmes. Dans un premier temps, il décrit l'endroit. [...]
[...] C'est pourquoi la parole poétique peut-être vue comme une nécessité voire une raison d'être et d'exister pour certains. Il y a des personnes qui ont besoin de se créer un monde imaginaire pour combler les frustrations de la vie réelle, les non- dits, les actes manqués, pour vivre la vie qu'ils auraient voulues vivre afin d'éviter les névroses. Pour le poète, ce monde imaginaire ne se limite pas un univers mental, car il passe par la parole poétique. Ainsi, au travers de poèmes de Jaccottet et de W. H. [...]
[...] En effet, la parole poétique n'a rien pu contre la guerre car elle est dialectique, elle ne prend pas partie. ( ) Pourtant, c'est par les yeux ouverts/ que se nourrit cette parole ( ) nous dit Jaccottet. Autrement dit, la parole poétique puise cependant bel et bien sa source dans la réalité, mais cette réalité finit par devenir illusion. La parole poétique devient donc un mensonge et la réalité est finalement toujours inaccessible. En fait, la parole poétique éloigne de la réalité à vouloir trop s'en rapprocher. [...]
[...] En effet, dans son troisième poème de la section parler du recueil A la lumière d'hiver, Jaccottet s'interroge sur le danger que représente la dialectique. Il dresse un parallèle entre deux époques. Jadis ce qui eut nom chanter ou utiliser la parole poétique, est quelque chose que l'on ose à peine maintenant c'est-à-dire depuis la Seconde Guerre Mondiale. En d'autres termes, si maintenant on n'utilise plus autant qu'avant la parole poétique, c'est peut-être parce qu'elle n'est qu' illusion et mensonge C'est peut-être parce qu'on a pas su donner à la parole juridique qui assoit l'autorité, l'importance qu'il aurait peut-être fallu lui atribuer lorsque la guerre a eu lieu. [...]
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