Sciences humaines et arts, Luchino Visconti Les Promesses du crépuscule, Véronique Bergen (2017), Marcel Proust, fulgurance proustienne, leitmotiv, scène shakespearienne, néoréalisme italien, Tadzio, Thomas Mann
On constate le leitmotiv du "trop tard" : dans ses films, le monde est une scène shakespearienne, une tragédie grecque/élisabéthaine. À la fin du film "Mort à Venise", la Polonaise chante le leitmotiv du trop tard. Il y a une fulgurance proustienne quant à la nature du temps. On a un abandon du néoréalisme pour adopter une esthétique décadentiste.
[...] Si les réminiscences se voient souvent éveillées par la musique chez Visconti, d'autres stimuli sensoriels (visuels, tactiles ) les activent aussi : le sablier amorçant un flash-back dans Mort à Venise par exemple, les flash-back qui traversent le professeur, ranimant le souvenir de son épouse et de sa fille. Dans les films de Visconti, il n'y a point de victoire du temps retrouvé sur le temps perdu, bien que sous la surface de Chronos qui emporte tout, la permanence de l'Aiôn continue à s'affirmer. Remarque : le prénom Aschenbach revient dans le film « Les damnés » (un des personnages principaux de l'histoire). [...]
[...] Toutefois l'abandon au royaume des sens mène à la mort. Aschenbach-Zeus ne ravira pas Tadzio-Ganymède et n'en jouira pas. Au moment où Aschenbach consent à s'ouvrir au royaume des sens et de la chair, il est châtié. Sa punition prend la forme d'une instance fatale, le choléra, analogue de la peste qui ravage Thèbes lorsqu'Œdipe y est roi. Mal envoyé par les dieux afin de frapper Venise, la Sérénissime qui s'abîme dans l'oisiveté et les plaisirs, le choléra emporte Aschenbach dans la mort. [...]
[...] Comme le montre Bertrand Murcier dans Le temps dans les films de Visconti, Visconti a opté pour un traitement ambigu des faits historiques, et dès lors du « trop tard ». Le cinéma = également un genre du « trop tard », art arrivé après tous les autres. Le cinéma est impur en ce qu'il enregistre, témoigne d'un passé qu'il détruit. Dans l'univers de Visconti, Proust est partout. Motifs proustiens = temporalités multiples, temps retrouvé, trop tard temporel Les flash-back (résurgences du passé) reconnectent le moi actuel avec des expériences anciennes. Révélation tardive qui frappe le narrateur dans Le Temps retrouvé. [...]
[...] ( A l'origine, Visconti voulait créer une tétralogie en adaptant également La Montagne magique de Thomas Mann. Héritage de Wagner et de Thomas Mann. Les images entrent en résonnance avec les mots, avec d'autres images. Une image ne vient jamais seule. Toute image fait signe vers d'autres images, vers l'empire des mots, vers la texture de l'histoire. Quand le spectateur s'abîme dans Mort à Venise, il sent glisser sous les plans le texte de Thomas Mann, le patrimoine artistique de la cité des Doges, le visuel s'ouvrir sur l'avant, sur des mondes enroulés de phrases, de sensations, de parfums, de sons. [...]
[...] Ses réflexions platoniciennes sur le statut de la beauté campent le dialogue entre Socrate et Phèdre. Aschenbach s'est enfermé dans une vie coupée des sens, a écarté de sa création les forces dionysiaques menaçant de corrompre la belle forme apollonienne. La beauté sensible éveille Eros. L'édifice intellectuel d'Aschenbach se fissure. Constructions épurées érigées sur l'éviction des sens, ses créations ont manqué de vie, de sève, sa musique (dans le film) est restée à l'écart de la pâte de l'existence des intensités pulsionnelles. [...]
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