Ce poème se situe au début du recueil intitulé « Lointain intérieur », il fait partie de « entre centre et absence » et propose une « vision » singulière d'un intérieur (centre) éloigné (absence) de toute simplicité. Le titre « Vision » renvoie à la perception liée au sens de la vue puisque le poète est spectateur, mais renvoie aussi à la représentation, à l'image mental qui peut toucher l'épouvantable de l'action. Henri Michaux offre une prose empreinte d'une angoisse réelle que l'on peut ressentir et assimiler à une nouvelle écriture poétique.
Cette pâle « vision » est organisée avec rigueur et permet paradoxalement au lecteur de suivre une pensée qui conduit à la défragmentation du corps et d'un esprit. Aussi on se demandera dans quelle mesure ce poème nous offre une « vision » originale du dedans.
[...] De cette remise en question que l'on peut sous-entendre naît une réflexion sur la vision d'un système dénué d'affect, ainsi la société est critiquée. Aussi dans le texte les sentiments laissent place à l'action et nous laissent penser que Michaux se refuse d'étaler des sentiments dans un texte qui sera disséqué. Il ne tient peut-être pas à faire de la psychologie dans ses écrits puisqu'elle déconcentrerait le lecteur de ses engagements. Le message porté n'aurait plus la même valeur et son texte serait appauvri par le lecteur, en sens et en interprétation. [...]
[...] Henri Michaux présente tout d'abord une femme et un homme sans dévoiler leurs identités, ils font partie d'un siècle qu'on ne peut cibler. Ensuite il inverse les rôles entre ces deux être puisque la femme se [débrouille] et l'homme devient obsédé du nettoyage Alors que les parties du corps choisies pour les représenter servent encore de repères au lecteur qui peut identifier leur fonction ; les mains de la femme servent à s'occuper de l'enfant et de la maison tandis que le bras de l'homme est le symbole de sa virilité et de sa force. [...]
[...] D'une part, l'homme se transforme au fil du texte et perd de son humanité, il se transforme en créature. Au départ l'homme est civilisé, il retrousse même très haut ses manches sa conscience se dissipe et le laisse se faire du mal avec brutalité, son bras subit ensuite la transformation ; l'auteur lui assimile des termes caractéristiques des animaux : le duvet recouvre les volailles tandis que le soyeux peut décrire un pelage de félins, on distingue également une bestialité croissante traduite par l'allitération en[k] et l'onomatopée kha ! [...]
[...] On retrouve par exemple au centre du poème le rebord de l'évier qui est un objet utilisé dans la vie courante. L'homme va s'en servir et valoriser une rupture physique (son bras) et une rupture du quotidien (détourné de son usage habituel). Aussi, l'auteur remplace le je par le il elle et se place de l'autre côté de l'action, il est spectateur du début à la fin et rend comte de faits surnaturels à un lecteur rationnel. Ainsi, ce dernier doit se servir de l'imaginaire pour entendre et tenter d'interpréter le poème. [...]
[...] On les retrouve tout au long du texte et on leur attribue une cohérence symbolique ; le schéma ajouté en annexe les regroupe par forme. Ainsi on comprend que l'auteur se sert des formes pour porter un message et l'appuie avec une structure picturale bien définie. Les formes sont choisies, réunies et dirigées par la vision qui reste elle-même équilibrée contrairement à ce qu'on pourrait croire. L'homme choisit de [disparaître] avec un dix- huitième et laisse croire qu'il privilégie un membre désacralisé par rapport à son identité. [...]
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