1977, Patrick Modiano, autobiographie Livret de famille, art de la mémoire, recherche identitaire, autofictionnel, roman, typologie textuelle, syntaxe, champ lexical, sémantique, narratologie, figure rhétorique
Patrick Modiano est un écrivain français du XXe siècle né en 1945 dont l'oeuvre a été récompensée en 2014 par le prix Nobel de littérature pour son "art de la mémoire". Profondément touché par la période l'occupation et sans cesse en recherche de vérité sur son histoire, ses origines, ses parents dont il ignore de nombreuses choses, ses oeuvres offrent une réflexion profonde sur la mémoire, la recherche identitaire, les mystères de l'histoire personnelle et collective. "Livret de famille" paru en 1977 aux éditions Gallimard est un roman autofictionnel dans lequel il relate plusieurs épisodes de sa vie tout en introduisant des éléments de fiction. Dans cet ouvrage profondément introspectif avec une écriture subtile et poétique, l'auteur évoque des souvenirs passés tout en se questionnant sur le contexte de sa naissance et l'origine de ses parents. Le lecteur est ainsi plongé dans l'intimité d'un écrivain torturé par un passé qu'il cherche à effacer autant que comprendre.
[...] L'auteur nous prépare à la rencontre avec M. Koromindé. Puis la narration est stoppée nette par le mot minuit. On a un mot pour une phrase qui marque une véritable cassure dans la temporalité, à partir de là nous passons à un système de temps présent avec l'utilisation du passé composé téléphone a sonné"). Ainsi, toute cette diversité de temps et ces changements temporels avec des anticipations, des retours en arrière, des cassures conduisent également à perdre le lecteur qui est un peu confus et rappelle encore une fois la confusion du narrateur. [...]
[...] Cependant on remarque qu'à plusieurs reprises, la temporalité est décousue et hachée. En effet, le narrateur intervient souvent au présent pour évoquer ses réflexions et ses pensées. De plus à travers une prolepse avec un conditionnel "Je le saurais bientôt", lorsque le narrateur se questionne sur les actions de ses parents et une analepse, identifiée par un plus que parfait "Je l'avais rencontré la nuit précédente", pour évoquer la rencontre avec Monsieur Koromindé, le récit navigue entre passé, présent et futur. [...]
[...] Or dans le contexte présent, ce mot résonne autrement, il rappelle la théorie des races chez les humains, avancée par les nazis. La charge culturelle de ce mot devient ainsi très lourde, Modiano appellera d'ailleurs plus tard un autre ouvrage autobiographique sur l'identité et la recherche de la vérité "Un pedigree". En se penchant sur l'analyse narratologique, nous remarquons que la voix narrative est la première personne du singulier, il s'agit d'un autofictionnel. Le narrateur étant l'auteur lui-même, la focalisation est interne, il évoque ses réflexions, ses questionnements, ses souvenirs (grâce aux analepses) et le lecteur est vraiment dans sa tête. [...]
[...] En premier lieu, celui du document officiel avec les termes "Livret de famille", "papiers officiels", "diplômes" présent dans une énumération. Ces documents ont une valeur objective et ancrent le récit dans une base neutre, il n'y aura pas d'émotions qui vont transparaître, le narrateur fonde ses recherches sur des éléments froids et objectifs. Puis on observe le réseau lexical de la famille "père", "arbre généalogique", "mariage". La famille est cependant seulement liée aux documents officiels pour le narrateur, le lecteur peut ainsi sentir ce lien vide de sentiments existant entre le fils et ses parents. [...]
[...] Dans cet extrait, les personnages ne sont pas vraiment décrits, on a trois noms propres mais deux au moins sont faux et aucun détail sur le physique des personnages ne sont évoqués. Les personnages apparaissent ainsi profondément impersonnels et le lecteur a du mal à se les imaginer, pourtant c'est justement grâce aux personnages (notamment M. Koromindé) que le narrateur va retrouver ses origines. En évoquant très brièvement les autres personnages, ce dernier apparaît profondément seul. Sa solitude est rappelée par la pluie. [...]
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