Dans l'enseignement des lettres, l'existence et la nécessité des genres littéraires semblent aller de soi. Mais dès la fin du XIXe siècle, la notion de genre devint peu à peu considérée comme accessoire, voire nuisible à la création. Dans les années cinquante, Maurice Blanchot, ainsi que Roland Barthes, a récusé le genre littéraire, dénoncé comme structure déterminant au livre sa « place » et déterminant sa « forme », au nom d'une vision de l'œuvre envisagée comme absolument autonome, relevant « de la seule littérature, comme si celle-ci détenait par avance, dans leur généralité, les secrets et les formules qui permettent seuls de donner à ce qui s'écrit réalité de livre ».
Le refus des genres littéraires est devenu l'un des topos de la modernité. Cependant, lorsqu'on évoque devant nous un ouvrage que nous ne connaissons pas, nous continuons souvent de demander : « Qu'est-ce que c'est ? », autrement dit : dans quel genre, quelle catégorie de textes le situer ?
[...] Victor Hugo, également, décrète dans la préface de Cromwell ce que doit être le drame. A chaque fois qu'un écrivain dit ce qu'est un genre, il fixe aussi un modèle. II. Le fonctionnement du genre comme institution à visée prescriptive Contre l'histoire littéraire, la réhabilitation de la rhétorique a permis au genre de revenir sur la scène des études littéraires. Le genre, en effet, relève de la rhétorique : le nom l'indique (genera dicendi, les genres du discours). Todorov et Genette ont amené une nouvelle réflexion sur les genres. [...]
[...] De la même manière, on pourrait montrer que les œuvres de Blanchot mêlent poétique, mystique, autobiographie, fantastique, proposant ainsi un exemple unique de récit onirique. Si la généricité est inévitable, refuser les genres est une posture non légitime. Mais la position de Maurice Blanchot est également une position libératrice, dans la mesure où l'écrivain a certainement besoin de croire en son indépendance vis-à-vis des codes et des structures déjà établies. Puisque les textes sont multigénériques, est-il pertinent de persister à classer les œuvres, de les publier sous l'étiquette d'un genre ? [...]
[...] Les genres littéraires sont travaillés constamment par de nouveaux textes : selon la formule de Genette dans Introduction à l'architexte, les œuvres traversent les genres De fait, les genres littéraires font partie, selon l'expression de Georges Duby, du capital des formes qui s'offre à l'écrivain lorsqu'il débute son écriture. Le modèle générique est un matériel parmi d'autres. L'écrivain a beau vouloir faire œuvre originale, il emploie du déjà-là, dont font partie les modèles génériques, ce qui fait que tout texte peut être situé par rapport à d'autres textes. Il n'échappe pas à ce que Jean- Marie Schaeffer nomme la généricité c'est-à-dire les multiples possibilités génériques qu'il peut choisir. [...]
[...] De nos jours, la situation s'est renversée et c'est le genre romanesque qui domine. Le genre littéraire, comme toute institution, est une force conservatrice, d'autant plus qu'il est lié à d'autres institutions, telles que la presse, l'école, l'édition. Quel rôle jouent ces institutions lorsque l'écrivain se met à écrire ? Entrer en littérature, en tant spectateur ou en tant que lecteur, mais également en tant qu'auteur, c'est intégrer un système d'attentes, et l'attente est de type générique. On vient à une pièce ou à un livre avec une attente générique : c'est une autobiographie, une thèse, un sonnet, etc. [...]
[...] La poésie ne coïncide plus avec la forme du poème, ce que nous appelons poésie n'est plus fondé sur les mêmes traits de similitude qu'au XVIIe siècle. Elle est en effet présente dans le théâtre, comme celui de Maeterlinck, ou dans des romans, de Le Clézio par exemple. Quant au théâtre, les distinctions drame comédie comédie se sont effacées. Le genre littéraire classerait donc mal. Par ailleurs, est-il dangereux, du point de vue de la création, de conserver cette notion de genre littéraire ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture