François Marie Arouet (1694-1778), dit Voltaire, est un des grands hommes du mouvement des Lumières. Écrivain philosophe provocateur et ironique, il utilise ses oeuvres pour critiquer avec ironie la société de son temps, la guerre, l'Église..., n'hésitant pas à affronter la prison et l'exil pour pouvoir exprimer ses opinions. Il a écrit de nombreuses oeuvres de divers genres, des tragédies (comme Zaïre), des essais (comme Lettres philosophiques), s'essayant même à la poésie, avec par exemple Le Mondain, et surtout des contes philosophiques, au premier rang desquels son joyau Candide.
Le Dictionnaire philosophique portatif est une de ses oeuvres. Voltaire conçoit ce projet comme une arme de combat contre « l'Infâme », qui rassemble toutes ses conceptions morales, politiques et surtout religieuses. Il souhaite composer une oeuvre plus courte, donc plus accessible, plus agressive aussi que L'Encyclopédie, à laquelle il a collaboré. Ce "Dictionnaire" est publié anonymement en 1764, heureusement pour Voltaire, car il crée un scandale presque sans précédent.
L'article « Liberté de penser » se présente sous la forme d'un dialogue entre Boldmind, un anglais libre penseur, et Medroso, un Portugais, agent de l'Inquisition. Dès le début du dialogue, Boldmind s'attache à lever toutes les objections de Medroso, qui craint les effets de la liberté de penser.
I- Un dialogue opposant deux thèses
a- Deux interlocuteurs dissemblables
L'analyse du texte oppose nettement les deux interlocuteurs :
- la simple différence de longueur des répliques marque la supériorité de Boldmind. Il pratique l'art de convaincre et chacune d'entre elles développe un argument, ces derniers étant plus nombreux que ceux de Medroso.
- la façon de s'exprimer, propre à chacun, contribue également à marquer cette différence (...)
[...] Medroso Il est dans le doute, rapportant des propos au lieu de s'affirmer (On dit que, ligne 14). N'ayant pas de conviction personnelle, il pose de nombreuses questions : Comment puis-je les examiner ? (ligne Vous croyez donc que mon âme est aux galères ? (ligne Mais si je me trouve bien aux galères ? (ligne 29). L'opposition de deux courants de pensée - Medroso, figure de l'Obscurantisme Il tente vainement de défendre le point de vue de ses maîtres et ses répliques le présente sous la forme répressive des organes de jugement et de sanction des hérétiques (Inquisition et Saint-Office, ligne 10). [...]
[...] T E X T E [ ] BOLDMIND : [ ] Quand on vous propose quelque affaire d'intérêt, n'examinez-vous pas longtemps avant de conclure ? Quel plus grand intérêt y a-t-il au monde que celui de notre bonheur ou de notre malheur éternel ? Il y a cent religions sur la terre, qui toutes vous damnent si vous croyez à vos dogmes, qu'elles appellent 5 absurdes et impies ; examinez donc ces dogmes. MEDROSO : Comment puis-je les examiner ? Je ne suis pas jacobin BOLDMIND : Vous êtes homme, et cela suffit. MEDROSO : Hélas ! Vous êtes bien plus homme que moi. [...]
[...] On relève ainsi l'image du spectacle dont l'appréciation ne se discute pas avec notamment l'utilisation de l'expression quelque protecteur insolent d'un mauvais poète (lignes 17-18), à entendre comme une métaphore des censeurs ou inquisiteurs. Du reste, cette image sera reformulée de façon plus générale (Ce sont des tyrans des esprits qui ont causé une partie des malheurs du monde. Nous ne sommes heureux en Angleterre que depuis que chacun jouit librement du droit de dire son avis, lignes 20 à où la symétrie associe les tyrans aux malheurs et le bonheur (heureux) à la liberté (librement). [...]
[...] Du reste, la dernière réplique de Boldmind (En ce cas vous méritez d'y être, ligne 30) suggère que c'est l'action qui rend libre. Un rythme enlevé Outre la contribution du raisonnement par analogie et de la variété d'image fortes dans l'efficacité du discours de Boldmind pour rendre compte de la privation de liberté, le rythme enlevé des répliques renforce également le registre didactique avec : - des phrases déclaratives et des formules généralisantes. Elles marquent l'originalité de cet article du Dictionnaire philosophique présenté sous forme d'un dialogue et non d'un essai ou d'une dissertation univoque sur la liberté de penser. [...]
[...] La liberté de penser serait source de confusion (On dit que si tout le monde pensait par soi-même ce serait une grande confusion, lignes 14-15). Cet argument est rendu caduque par l'antithèse entre On dit et pensait par soi-même. Il suffit pour se rassurer de penser par soi-même . Celui qui ne pense pas se satisfait de son ignorance (Mais si je me trouve bien aux galères ligne 29). Argument présenté sous forme de question, Medroso n'ose pas formuler une idée qui lui soit propre. [...]
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