Les liaisons dangereuses, Pierre Choderlos de Laclos, Merteuil, personnage, lettre 81, roman, oeuvre épistolaire, entreprise libertine, auteur, littérature, portrait, récit
Unique roman né sous la plume de Pierre Choderlos de Laclos (1741-1803), militaire de carrière, Les Liaisons dangereuses constitue une oeuvre épistolaire aussi originale qu'énigmatique. Publié pour la première fois en 1782, le récit des machinations de deux nobles libertins, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil, a connu un succès éclatant malgré sa réputation scandaleuse. Tombé dans l'oubli lors du siècle suivant, il accède de manière tardive au statut de classique. À travers ce roman d'analyse polyphonique, Laclos suit apparemment la tradition de La Nouvelle Héloïse de Rousseau. Cependant, les tergiversations des personnages victimes y font pâle figure devant la rouerie affirmée des deux protagonistes. Dans une perspective moraliste ambigüe, l'auteur dresse un portrait glaçant de la société de Louis XV, où se dessine notamment l'inégalité des rapports entre hommes et femmes.
[...] Il est régi par différentes phases temporelles, autant d'étapes charnières dans l'évolution de l'objet narratif : l'extrême jeunesse de la marquise (« Je n'avais pas quinze ans . », p. 337), l'adolescence et le mariage arrangé (« ma mère m'annonça que j'allais me marier », p. 339), la découverte du monde et de la sexualité, la réclusion à la campagne et le veuvage (« La maladie de M. de Merteuil vint interrompre de si douces occupations . », p. 340) le retour dans le monde; l'accomplissement du projet de Merteuil (« Alors je commençai à déployer sur le grand théâtre . [...]
[...] Le récit des origines est donc aussi un parcours de solitude volontaire. Pourtant, comme le sait le lecteur, la marquise n'est pas seule face à son destin. Elle partage ses entreprises libertines avec un complice, un confident. La lettre 81, adressée à Valmont, permet donc, enfin, d'approfondir les liens mystérieux unissant les deux protagonistes, tout en soulignant leur fragilité. Elle fait en cela le portrait d'une alliance complexe, et d'une relation ambigüe. En doutant de ses capacités à remporter la lutte, le vicomte perd sa position d'égalité - apparente - avec sa complice. [...]
[...] 326) Les facultés d'observation et d'esprit critique sont constamment opposées aux caprices du coeur et du corps : « Ah gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes à délire et qui se disent à sentiment ». (p. 334) C'est ainsi en toute connaissance de cause que Merteuil semble se livrer aux plaisirs de l'amour. Elle juge sévèrement les êtres s'abandonnant aux dérives de leurs sentiments. Libre-penseuse par excellence, la marquise semble trouver une satisfaction supérieure, auto-centrée, dans la contemplation de sa manipulation sur autrui. [...]
[...] C'est à dessein ainsi, qu'elle attend le mariage pour approfondir sa curiosité sensuelle sans se compromettre. Plus tard, elle commet froidement quelques erreurs de conduite afin de dépoussiérer son image de veuve prude, et s'attirer la sympathie de « reconnaissantes duègnes ». (p. 343) Une constante de l'entreprise de Merteuil, de la création de son propre personnage, semble en effet sa capacité à rester en permanence sur le fil du rasoir, entre liberté personnelle et érotique, et conformité aux usages de son temps. [...]
[...] vos conseils m'ont donné de l'humeur, et je ne puis vous le cacher. » (p. 330) La fin abrupte de la lettre, ainsi que la mise en garde implicite, indiquent une prise de distance, voire une rupture possible entre les deux personnages : « Il faut vaincre ou périr . Adieu. » (p. 348) L'étrange relation unissant Merteuil et Valmont bénéficie en outre d'un éclairage supplémentaire à travers le récit fait de leur première rencontre. La marquise évoque ainsi un rapprochement aussi puissant que singulier, tout ensemble charnel, intellectuel et compétitif. [...]
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