Les Liaisons dangereuses, Lettre première, incipit, Choderlos de Laclos, roman épistolaire, Cécile Volanges
Choderlos de Laclos issue d'une famille récemment anoblie nous offre un regard neuf sur l'aristocratie, ordre supérieur en régime de monarchie absolue, sur le plan politique, moral et social. Officier dans l'armée de terre, notre témoin souffre de relégation aux postes subalternes, il souffre des privilèges dont jouit abusivement cette caste, et cela, d'autant plus, que la haute noblesse lui apparaît corrompue au plus haut degré : les protagonistes du roman, le Vicomte et la Marquise sont des libertins dévergondés, des « roués », c'est-à-dire « rusés », manipulateurs malfaisants, qui s'en prennent d'abord aux victimes les plus fragiles, de leur rang, des jeunes filles, rendue parfaitement ignorantes du monde et de la vie par une éducation mutilante.
[...] Pendant que Cécile établit avec Sophie par le biais de la lettre cet échange fictif, la vie autour d'elle continue et va la contraindre d'abandonner un temps son occupation pour aller jouer un rôle en tant que personnage dans l'appartement de sa mère : la lettre va donc être interrompue par l'action et reprise après un certain échec que Cécile commente au retour dans sa chambre (Interruption ligne 30 reprise ligne 31. La lettre va permettre à Cécile de tirer une leçon de l'évènement : J'ai été honteuse je ne me servirai plus de cordonnier. Conviens que nous voilà bien savantes ! La lettre s'intercale donc dans les petits fait de vie et permet au personnage d'analyser son comportement réussite ou échec- dans la relation aux autres. La lettre pose au personnage des difficultés de transmissions : cf. [...]
[...] Le roman épistolaire avec ses prétentions de sincérité, repose donc en fait sur le principe de mystification. On a compris que la facture des lettre reposes sur la supercherie, une affabulation de l'auteur : il a feint de n'être qu'un collecteur, il est en fait l'auteur de chaque missive, incarnant tour à tour la personnalité de chaque personnage son sexe, son âge, ses attentes, ses déceptions, ses erreurs, son style même ; il est ici une jeune fille, toute émue, d'accéder croit-elle, à la propriété et à la liberté. [...]
[...] Elle a donc pris de la consistance : elle va exister ! Le Monsieur en noir a prononcé des compliments d'usage d'un ton cérémonieux qu'elle a pris pour une déclaration d'amour, alors elle se perturbe, elle est commotionnée, parce que son désir indéfini l'obsède et l'empêche de comprendre que le Monsieur n'en veut pas qu'à son pied et non à sa main. Placer la lettre de Cécile comme ouverture de roman la place donc aux yeux du lecteur non en position de protagoniste mais de victime idéale, de proie pour les aristocrates dépravés qui s'agitent autour d'elle. [...]
[...] La lettre s'achève sur le lieu et la date d'écriture. II Cécile nous apparaît d'abord comme une jeune aristocrate assez conventionnelle : elle se conforme aux règles sociales qui ont orchestré sa vie, le couvent, la suprématie de l'éducation par les femmes, la mère et les religieuses. Pas de remise en cause, chez elle, une certaine jubilation d'obéir car elle croit suivre les étapes qui l'amènent à un bonheur certain : le mariage. Il se concrétise pour elle, non par le désir de choisir un époux mais le bonheur enfantin d'être le centre des préoccupations de la maison lors des essayages. [...]
[...] L'immaturité de Cécile la conduit à l'aliénation : prisonnière des sentiments qu'on a sur elle et des idées des autres comment pourra-t-elle échapper aux propositions malhonnêtes qui lui seront faites ? L'aristocratie maintient une hiérarchie injustifiée entre les catégories sociales : tout ce qui n'est pas noble est destiné à les servir, mais finalement le moindre domestique, le moindre cordonnier les valent bien. L'aristocratie est montrée à travers Cécile comme en voie de dégénérescence, elle se tue d'elle-même à travers une descendance qu'elle n'a pas équipée pour la vie. [...]
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