La lettre XLVII, adressée à la marquise par Valmont, permet d'entrevoir les divers moyens d'utilisation de la correspondance comme genre littéraire. Ce recours au genre épistolaire révèle à la fois le talent d'écriture de Valmont. Elle est aussi révélatrice du talent épistolier du vicomte et de son tempérament libertin.
La lettre a une visée informative et explicative : comme le vicomte ne peut rejoindre la marquise, il en fournit des explications. Mais il ne se contente pas de narrer les raisons de son absence, il fournit le récit d'une soirée et d'une nuit mouvementées.
Dans cette narration construite avec vivacité et précision est dépeint un certain art de vivre de la société oisive et libertine. On constate que le vicomte prend plaisir à raconter cet épisode de sa vie à la marquise, mais aussi à étaler son talent d'écrivain et de libertin (...)
[...] Une société corrompue Ce qui est mis en exergue dans la lettre de Valmont, c'est le caractère immoral de ceux qu'il fréquente, leur absence de scrupules, leur parasitisme. Le Hollandais est l'archétype du riche parvenu décidé à s'offrir les faveurs d'une courtisane. Emilie représente la courtisane prête à se vendre à un être présenté comme grotesque et caricatural, mais riche et disposé à l'épouser : ce souper était un véritable repas de noces Ce n'est pas le projet de Valmont qui lui donne des scrupules, c'est la perte de la fortune : La seule difficulté que j'éprouvai fut de décider Emilie que la richesse du Bourgmestre rendait un peu scrupuleuse La facilité avec laquelle Emilie se prête au jeu de Valmont témoigne de son inclination complaisante à devenir la complice de ses perversions. [...]
[...] Les ingrédients du libertinage Un libertin en action Le libertinage de Valmont est à double détente en se fondant sur la complicité complaisante d'Émilie. La première action consiste à troubler un projet qui devrait apporter bonheur et satisfaction au bourgmestre. La seconde est plus subtile et plus perverse. Une des caractéristiques essentielles du libertinage est la volonté d'affirmer son pouvoir et sa puissance en détruisant non pas brutalement, mais subtilement. Le combat n'est pas physique, le libertin n'utilise pas les armes de la noblesse : il ne s'agit pas de duels où l'adversaire est tué. [...]
[...] Elle se prêta pourtant, après quelques façons, au projet que je donnai, de remplir de vin ce petit tonneau à bière, et de le mettre ainsi hors de combat pour toute la nuit. L'idée sublime que nous nous étions formée d'un buveur Hollandais nous fit employer tous les moyens connus. Nous réussîmes si bien, qu'au dessert il n'avait déjà plus la force de tenir son verre: mais la secourable Emilie et moi l'entonnions à qui mieux mieux. Enfin, il tomba sous la table, dans une ivresse telle, qu'elle doit au moins durer huit jours. [...]
[...] Je profiterai de ce temps pour aller vous voir. Je serai chez vous à six heures au plus tard; et si cela vous convient, nous irons ensemble sur les sept heures chez Madame de Volanges. Il sera décent que je ne diffère pas l'invitation que j'ai à lui faire de la part de Madame de Rosemonde; de plus, je serai bien aise de voir la petite Volanges. Adieu, la très belle dame. Je veux avoir tant de plaisir à vous embrasser que le Chevalier puisse en être jaloux. [...]
[...] Le vicomte utilise le procédé de la correspondance pour charger la marquise de poster une autre lettre, écrite à Mme de Tourvel. L'envoi de cette lettre non cachetée fait de la marquise, une fois de plus, la complice du vicomte, non seulement complice passive à qui il raconte ses prouesses, mais complice active puisqu'elle accepte de jouer un rôle d'intermédiaire dans l'envoi d'une lettre qui est un véritable chef-d'œuvre d'hypocrisie libertine. L'étude de la lettre 47 ne peut être complète sans parler de la lettre suivante, qui est celle que Valmont a écrite à la Présidente en prenant Emilie comme pupitre Elle doit être lue en gardant à l'esprit que Valmont prétend rendre compte exactement de sa situation et de sa conduite LETTRE XLVIII LE VICOMTE DE VALMONT À LA PRÉSIDENTE DE TOURVEL (Timbrée de Paris.) C'est après une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermé l'œil ; c'est après avoir été sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dévorante, ou dans l'entier anéantissement de toutes les facultés de mon âme, que je viens chercher auprès de vous, Madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espère pas jouir encore. [...]
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