Ce dernier passage des Liaisons Dangereuses, œuvre écrite par Laclos en 1782, constitue la seconde partie de la lettre de Madame de Volanges à Madame de Rosemonde. Cette dernière lettre offre le bilan de l'ensemble des aventures traitées tout au long de ce roman épistolaire. Le passage étudié met en lumière les destinées de Madame de Merteuil, Mademoiselle de Volanges, Monsieur Danceny et Madame de Tourvel. La morale finale, bien que lucide et réaliste, apparaît vaine et tardive. Enfin, la note de l'éditeur achève l'entreprise de vraisemblance - à travers l'authenticité des lettres - recherchée par Laclos lors de la publication de son roman, ce qui amplifie la dimension tragique de ce roman épistolaire.
[...] Pour cela il confère à ce danger une importance capitale, ressentie par le superlatif utilisé pour qualifier ces vérités (cf. plus haut). Enfin, le passage se clôt sur l'inefficacité totale de la raison, appuyée par l'adverbe si puisqu'elle n'a su ni éviter le désastre ni réconforter les deux survivantes face aux destinées funestes de leurs proches. D'où une double inutilité du raisonnement humain, accentué par la formule déjà si encore davantage Esprit inutile, réflexions trop tardives quelle intention Laclos dissimule-t-il derrière la lettre de son personnage ? [...]
[...] Ne pouvant s'empêcher de s'y résoudre, Madame de Volanges réitère ses doutes et ses interrogations : J'espère que vous n'oublierez pas ( ) que je n'ai d'autre motif, pour m'y croire obligée, que le silence que vous avez gardé vis-à-vis de moi. L'urgence de la situation la contraint à tenter d'installer le doute dans l'esprit de celle en qui elle a assez de confiance pour remettre sa fille dans les mains d'un destin rude et austère. La répétition de l'emploi de points de suspension ainsi que d'interrogation et d'exclamation aggrave le mouvement dramatique qu'elle met en place : Mon amie ! . [...]
[...] Le pronom relatif m' souligne le fait que c'est bien elle qui est au centre de la destinée, qui a touché deux de ses objets les plus chers : sa fille et sa confidente Madame de Tourvel. L'énumération de pronoms personnels Quelle qui quelles quelle fois) qui structure le paragraphe, tout comme les marques d'exclamation (trois occurrences) et d'interrogation (deux occurrences) qui le jalonnent, insistent sur la dimension lyrique de la longue plainte qu'elle émet. Elle met en valeur le fait que cette fatalité pourrait toucher n'importe qui : Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! [...]
[...] La progression de nuances Quoique ( mais dans la phrase Quoique parente bien éloignée, j'ai offert d'y concourir ; mais je ne me trouverai pas à cette assemblée ( ) amplifie le fait que Madame de Volanges n'ira pas à cette réunion, même si elle a proposé sa participation. L'enchaînement de la phrase accroît la situation tragique que vit l'expéditrice de la lettre finale. L'expression superlative plus triste encore annonce le désarroi d'une mère qui ne connaît pas sa faute. Cécile, jeune fille naïve, à peine sortie du couvent au début du roman, a été victime de la manipulation du couple libertin. [...]
[...] Ainsi l'intérêt de la dernière lettre réside évidemment dans le bilan que le lecteur attendait avec impatience. Si le malheur a frappé les victimes des liaisons néfastes, ce ne serait dû qu'à la non-efficience de la raison humaine. Madame de Volanges se morfond sur la destinée, se questionne sur la légitimité de la punition que s'inflige sa fille, attribuant au roman une portée tragique. À travers sa volonté d'effacer l'hypothèse d'une création, d'une fiction, Laclos renforce la dimension dramatique de son œuvre et y introduit un véritable avertissement à son public. [...]
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