Rousseau va être en quelque sorte une des sources d'inspiration de Laclos pour le traitement de la forme épistolaire. Ainsi, pour Rousseau, la forme épistolaire ne va pas être ce lieu où l'on attend de la lettre qu'elle « trahisse » mais qu ‘elle exprime les passions, l'intensité du sentiment. Mais la lettre chez Rousseau est la stratégie de séduction de Saint-Preux ou de Julie. Ainsi, le traitement de la forme épistolaire dans ces deux œuvres a des buts tout à fait différents. De même, faut-il rappeler que La Nouvelle Héloïse touche davantage à la sentimentalité, tandis que chez Laclos, c'est du libertinage dont il est question.
On peut ainsi reprendre le propos de Pujol dans Le Dictionnaire des Œuvres de littérature française, qui qualifie les Liaisons dangereuses comme une « perversion des conventions épistolaires ». Cela nous amène ainsi à nous interroger sur l'utilisation que Laclos fit de ce genre par rapport à Rousseau.
« Perversion » à la fois dans la technique (Laclos va s'inspirer de la Nouvelle Héloïse), mais perversion aussi au sens où l'auteur des Liaisons dangereuses se sert de la forme épistolaire pour un roman libertin où les personnages pervertissent par le biais des lettres. Ainsi, l'on peut se demander quelles utilisations sont faites de la forme épistolaire dans Les Liaisons dangereuses et Julie ou la Nouvelle Héloïse : peut-être une « perversion des conventions épistolaire » chez Laclos et un épanchement des sentiments chez Rousseau.
[...] Mais les larmes d'une mère éplorée ô mon cœur, quels déchirements ! [ ] . qui sait si jamais je pourrai . quoi, mentir ? . mentir à ma mère ah ! s'il faut nous sauver par le mensonge, adieu, nous sommes perdus ! Nous l'avons dit, la troisième partie s'ouvre quant à elle sur la maladie de Madame d'Etanges toutes ces premières lettres iront dans ce sens, comme si, au final, la découverte des lettres des deux amants avait accéléré la maladie, jusqu'à la mort. [...]
[...] J'exprime ce que je sens pour en tempérer l'excès, je donne le change à mes transports en les décrivant Autrement dit, Saint-Preux attend ici Julie dans son cabinet. Cette attente est comblée par l'écriture de cette lettre qui évoque la sensation d'être au plus proche de Julie, la joie de la retrouver. On comble ainsi l'absence par l'écriture qui donne à la lettre de la matière, incarnation de l'absente. Dans les Liaisons dangereuses, Cécile reçoit une lettre de Danceny et rapporte la sensation de cette lettre à Sophie. La lettre de Danceny permet d'apporter la présence presque réelle du bien-aimé. [...]
[...] Dans La Nouvelle Héloïse l'action va être déclenchée dans les premières lettres par l'épanchement de Saint-Preux pour son élève. Le précepteur va vouloir s'éloigner mais Julie le conjure de rester. Cet amour naissant prend forme et force dans la lettre VI où Julie confie à sa cousine de manière brève son trouble pour son précepteur. Il est de nombreuses lettres dans Julie ou la nouvelle Héloïse mais peut-être encore plus dans Les Liaisons dangereuses qui vont lancer une action, qui va aider ou bien faire obstacle à l'amour que se portent les jeunes amants. [...]
[...] La première, l'intrigue qui motive toutes ces lettres, est l'injonction que Merteuil donne à Valmont : ce dernier doit corrompre Cécile Volanges pour se venger de Gercourt. Mais Valmont souhaite aussi séduire Mme de Tourvel. La seconde intrigue est l'histoire de Cécile et Danceny qui n'est pas sans rappeler bien sûr La Nouvelle Héloïse. Les deux personnages s'aiment mais ne peuvent exprimer pleinement leur amour car Cécile est promise à Gercourt. Seulement, là où Laclos dépasse le modèle de La Nouvelle Héloïse, c'est qu'il va faire de ces deux amants naïfs des personnages corrompus par le couple Merteuil-Valmont. [...]
[...] J'ai vu les mœurs de mon temps, et j'ai publiés ces Lettres Autrement dit on cherche ici à revendiquer la fiction dans le but d'instruire. Néanmoins, les auteurs semble-t-il, cherchent peut-être –malgré cette revendication de la fiction- à donner une pointe d'authenticité, du moins de doute sur l'authenticité : dans les deux œuvres les auteurs se nomment Editeurs et non auteurs. Cela sème en quelque sorte le doute sur les épistoliers : sont-ils dans ce cas des personnes ou des personnages de romans ? [...]
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