Dans l'économie du recueil épistolaire Les Liaisons dangereuses, le couple libertin que composent la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont est indissolublement lié par les complots qu'ils se complaisent à fomenter. Ainsi, Laclos, à l'inverse de Shakespeare, n'esquisse pas l'idylle de deux amants enclins à la passion amoureuse, il brosse le portrait de deux figures de l'avilissement et de la compromission, rois du stupre qui s'érigent en signalés contre-héros romanesques en ce qu'ils entendent fulgurer par l'avènement de la détestation et du vice, valeurs maîtresses d'une relation libertine fondée sur une mondanité jalouse et outrancière.
C'est précisément ce libertinage impénitent et cette relation complexe qui unit de manière infrangible le couple qui enfante cette intrigue dynamique et foisonnante que l'on perçoit en filigrane dans l'extrait de la lettre 134 que l'on se propose d'analyser.
[...] Les fins poursuivies par la Marquise] 1. Les prodromes de la jalousie Laclos brosse dans cet extrait le portrait d'une Marquise profondément jalouse qui n'a de cesse de vouloir réveiller la mémoire de Valmont sur leur liaison compassée afin de lui rappeler qu'il n'est que la pantomime de son intellectualisme, silhouette fantoche, triviale marionnette pleutre et veule face à son génie intellectuel. Ne dirait-on pas que jamais vous n'en avez rendu une autre heureuse, parfaitement heureuse? Ah! si vous en doutez, vous avez bien peu de mémoire! [...]
[...] C'est la raison pour laquelle nous examinerons, dans un premier temps, le brio d'une Marquise qui, à travers une démonstration de force, fait montre d'une prose didactique élégante et captieuse. En effet, nous montrerons dans un second temps que la lettre renferme les nœuds qui trahissent les motivations cryptiques d'une Marquise jalouse et encline aux faux-semblants. Enfin, nous verrons comment l'auteur, par le biais de son personnage, dessine en creux une société corrompue où le vice règne sans merci. [I. Le discours didactique de la Marquise] 1. [...]
[...] L'amour devient catalyseur de tout l'enjeu de séduction qui émaille la lettre et le processus de cristallisation amoureuse peut se révéler : c'est l'amour seul qui embellit tant l'objet aimé La dialectique de la passion se trouve dévoyée par la Marquise pour détourner Valmont de Mme de Tourvel. [Transition] Mme de Merteuil ne s'apparente aucunement à ces héroïnes mièvres et enclines à la passion sensible et idéale. Bien au contraire, parfait stratège, elle mène une campagne guerrière qui travestit l'amour en champ de bataille. [...]
[...] Dans l'extrait soumis à notre étude, la Marquise adresse une réponse au style chamarré au vicomte de Valmont, lettre dans laquelle elle montre, grâce à une rhétorique argumentative impitoyable, qu'il est pétri d'amour pour la Présidente de Tourvel, figure féminine qu'il adule avec passion. Ainsi s'enivre-t-elle d'une maestria hors pair en révélant combien les circonvolutions du Vicomte ne sont que les marques de son amour fusionnel, précautions scripturaires traitresses d'une passion indicible. C'est pourquoi la Marquise, emplie de morgue, achève son exposé par les exigences qu'elle juge nécessaires à la rémanence de la réputation de son ami. [...]
[...] Les liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos, extrait de la lettre 134 Or, est-il vrai, Vicomte, que vous vous faites illusion sur le sentiment qui vous attache à Mme de Tourvel? C'est de l'amour, ou il n'en exista jamais: vous le niez bien de cent façons; mais vous le prouvez de mille. Qu'est-ce, par exemple, que ce subterfuge dont vous vous servez vis-à-vis de vous-même, car je vous crois sincère avec moi, qui vous fait rapporter à l'envie d'observer le désir que vous ne pouvez ni cacher ni combattre, de garder cette femme? [...]
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