Les Liaisons dangereuses confirment le triomphe du libertinage de moeurs au XVIIIe siècle. Dans le roman, plusieurs personnages échangent des lettres, mais le couple composé de la Marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont domine l'ensemble des échanges épistolaires. Ce sont eux qui mènent le jeu et font évoluer l'action. En effet, l'intrigue progresse sur trois plans : le Vicomte sans s'en rendre compte, aime la Présidente de Tourvel, une femme dont il lui a fallu vaincre les résistances vertueuses; il corrompt la jeune Cécile de Volanges, pour se venger de sa mère. Enfin, la Marquise se joue de Valmont : elle a eu une liaison amoureuse avec lui et elle veut maintenir sa domination sur lui en flattant son orgueil.
Le terme liaison renvoie aussi bien à la forme du roman épistolaire qu'au contenu de l'action. La Marquise se présente comme l'incarnation achevée de la séductrice, comme une manipulatrice qui organise et régente le jeu des relations en prônant des valeurs fondées sur le plaisir et le libertinage.
Dans ce passage, la Marquise de Merteuil répond au vicomte de Valmont, qui célébrait, dans un précédent envoi, les vertus de la présidente de Tourvel. Laclos fait de son personnage féminin une intellectuelle rompue aux tactiques de persuasion psychologique. Avec une logique imperturbable, elle démontre à son ancien amant qu'il aime Mme de Tourvel, que ses précautions de style le trahissent, puis elle formule ses propres exigences. Il est évident qu'elle joue un rôle alors même qu'elle affirme établir des relations franches avec le Vicomte.
[...] Dans ce passage, la marquise de Merteuil fait de sa lettre une véritable arme contre Mme de Tourvel. Par le langage seul, elle établit une relation de force qui lui permet de dominer le Vicomte en lui assénant des arguments imparables. Cet extrait de lettre prouve le pouvoir des mots sur les esprits. UNE LIBERTINE EXIGEANTE. Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières ont défendu la condition féminine. La religion avait contribué à donner de la femme une représentation négative : pour elle, la femme serait trop faible pour résister à ses passions. [...]
[...] L'ensemble de la lettre est, d'ailleurs, empreint d'une emphase, d'une rigueur qu'elle dit venir de son intransigeance morale. Ainsi se justifie l'emploi, lui aussi répété, du terme exiger: la Marquise prétend avoir des droits à exercer une autorité morale sur le Vicomte. Comme une sorte de confesseur qui demanderait des gages de bonne conduite au pécheur, elle l'exhorte à accomplir une action difficile. UNE RUSEE QUI JOUE SUR LA CORDE SENSIBLE. Mais cette demande est présentée non pas comme un effet de sa volonté mais comme une réponse aux sollicitations du Vicomte: vais répondre à la demande que vous me faites sur les sacrifices que j'exigerais et que vous ne pourriez pas faire». [...]
[...] Tenez, ce n'est pas avec vous que je veux dissimuler, j'en ai peut-être besoin. J'exigerais donc, voyez la cruauté! que cette rare, cette étonnante Mme de Tourvel ne fût plus pour vous qu'une femme ordinaire, une femme telle qu'elle est seulement : car il ne faut pas s'y tromper; ce charme qu'on croit trouver dans les autres, c'est en nous qu'il existe; et c'est l'amour seul qui embellit tant l'objet aimé. COMMENTAIRE. INTRODUCTION. Les Liaisons dangereuses confirment le triomphe du libertinage de mœurs au XVIIIe siècle. [...]
[...] La voix qui se fait entendre dans l'extrait de cette lettre établit tout un système d'échos, suscite des interprétations multiples et séduit le lecteur à plus d'un titre. La relation de force qui existe entre la Marquise et le Vicomte tient à une nécessité sécrétée par la société. En effet, Mme de Merteuil n'a pas d'autre moyen de s'imposer à lui que de le dominer par ses propres armes en dissimulant ses véritables sentiments. Comme le remarque Diderot dans Jacques le Fataliste, la femme est placée sous le regard d'autrui : elle ne peut pas faillir à sa réputation. [...]
[...] Le personnage de la Marquise fait du libertinage une exigence de l'esprit. Dans l'extrait proposé, elle ne fait aucune allusion aux charmes de l'amour; bien au contraire, la passion de Valmont envers la Présidente est présentée de l'extérieur. Son comportement s'explique, en fait, plus par une volonté de domination intellectuelle que par goût immodéré du plaisir comme dans les romans de Sade, par exemple. CONCLUSION. Ce passage est déterminant pour la progression de l'histoire : en exprimant avec netteté au Vicomte qu'il est amoureux de Mme de Tourvel, Valmont, touché dans son orgueil, ne voudra pas déroger à l'idée qu'il se fait de lui et il se moquera de la présidente et s'en trouvera cruellement puni. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture