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Le roman épistolaire n'est pas une nouveauté du XVIIIe siècle, mais le genre s'y déploie et caractérise de manière exemplaire le renouveau des techniques romanesques de ce siècle. Le choix de la lettre impose à l'auteur de s'effacer derrière ses personnages, interdit de manière générale toute action au présent en favorisant le récit rétrospectif et engage à ne pas trop multiplier les lieux, les décors et les évènements. Ainsi, la lettre est en réalité un monologue mettant souvent en relief les contradictions de l'individu en société, dont le lecteur se fait le voyeur, attrait bien compris des auteurs puisqu'ils accentuaient souvent cette situation en présentant leurs documents comme authentiques.
[...] Ainsi, l'aspect introductif du premier paragraphe s'illustre par une ouverture marquant le cadre temporel et spatial "Un jour que, dans un grand cercle". Il s'agit en fait d'une réunion mondaine. L'aspect générique de la temporalité et du lieu suggère que les activités dépeintes ce jour sont en fait celles de tous les jours dans toutes les réunions mondaines, à savoir la conversation. On relève d'ailleurs l'isotopie de l'échange oral : "entretenions", "conversations", "questions", "dire", "instruirai". Pourtant, est déjà installée l'opposition entre le groupe d'Usbek et les autres mondains par la juxtaposition "nous nous entretenions en particulier, laissant les conversations générales à elle-mêmes". [...]
[...] Si au départ le Français semble d'accord avec cette distinction "C'est un homme nécessaire", les points d'exclamations et la description basse des missions remplies dans le monde mondain indiquent rapidement qu'il se moque. Ainsi, durant cent soixante lettres l'on suit comment un grand seigneur persan, intelligent et désabusé, et un jeune homme malléable et enthousiaste découvrent Paris. Cette enquête en Occident d'un observateur oriental que tout intéresse et que tout étonne sensibilise le lecteur et aiguise son esprit à la relativité des choses. [...]
[...] Ce n'est pas cela, me dit-il." La qualité, semble-t-il, n'a pas tant à voir dans le monde mondain avec le caractère qu'avec la fortune, ce qui prête à rire, comme le fait le Français avec désinvolture. La réponse du Français, révèle le véritable rang du personnage dans un parallélisme frappant "un fermier : il est autant au-dessus des autres par ses richesses, qu'il est au-dessous de tout le monde par sa naissance". Cependant, s'il va dans le sens des observations de Usbek "il est bien impertinent, comme vous le voyez.", ce qui confirme bien les mauvaises manières du personnage dans les deux cultures, il va plus loin en faisant de la seule qualité visible du personnage, sa gratitude envers son cuisinier, une moquerie. [...]
[...] Les Persans jugent notre civilisation, mais en retour leurs certitudes orientales sont également soumises à la critique. Derrière la façade narrative, le regard de l'étranger sur la France développe l'idée que les climats et l'environnement sont des facteurs qui diversifient les mœurs et les coutumes. La satire de ces mœurs, particulièrement pratiquée au XVIIe et XVIIIe siècle sous des formes diverses, se fait dans l'envers, par l'ironie, mais il ne faut pas se tromper : les mœurs des Perses sont bien les nôtres, et les personnages secondaires qui n'ont pas la naïveté de nos protagonistes ne disent jamais ce qu'ils pensent. [...]
[...] On remarquera que la critique du monde mondain est loin d'être directe, car ce qui dérange d'abord Usbek ce n'est pas le jeu des apparences mais le fait de ne pas le comprendre "car je m'ennuie de n'être au fait de rien et de vivre avec des gens que je ne saurais démêler. Mon esprit travaille depuis deux jours : il n'y a pas un seul de ces hommes qui ne m'ait donné la torture plus de deux cents fois ; et cependant je ne les devinerais de mille ans". [...]
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