Flaubert a nourri une correspondance privée fournie: lettres intimes adressées à ses maîtresses, lettres didactiques à mademoiselle Leroyer de Chantepie, lettres éloges à Hugo, Flaubert s'est dévoilé dans une correspondance protéiforme et foisonnante. Le 8 octobre 1859, il rédige deux missives. La première est envoyée à Mlle Leroyer de Chantepie, une femme de lettres, à laquelle Flaubert délivre quelques conseils littéraires; la seconde est adressée à Jeanne de Tourbey, demi-mondaine réputée pour ses relations amoureuses, à laquelle Flaubert fait la Cour en galant homme. Ces lettres présentent deux discours à la fois proches et différents...
[...] Vous est-il arrivé quelque malheur? [Texte Jeanne de Tourbeay fut célèbre pour ses relations mondaines et amoureuses sous le Second Empire. [Croisset], samedi 8 [octobre 1859] C'est moi! M'avez-vous oublié? Rassurez-moi bien vite en me disant que non, n'est-ce pas? Je n'ai rien à vous conter si ce n'est que je m'ennuie de vous, démesurément. Voilà! et que je songe à votre adorable personne avec toutes sortes de mélancolies profondes. Qu'êtes-vous devenue cet été? Avez- vous été aux bains de mer, etc., etc. [...]
[...] Cela est très spirituel et très vrai pour quiconque a vu l'Italie; on ne peut faire à ce livre aucune objection sérieuse, et néanmoins ce n'était pas là ce qu'il fallait dire. La question devait être prise de plus haut; cela manque .de maîtrise. - Il me semble que tout craque sur la terre depuis la Chipe jusqu'à Rome. - Le musulmanisme, qui va mourir aussi, se convulsionne. Nous verrons de grandes choses. J'ai peur qu'elles ne soient funèbres. Adieu, je vous serre les mains bien affectueusement. Le verre de votre portrait accroché dans ma chambre, sur une porte, s'est fêlé ces jours-ci. [...]
[...] Quel enthousiasme, quelle force et quel langage! Il est désespérant d'écrire après un pareil homme. Lisez et gorgez-vous de cela, car c'est beau et sain. Je suis sûr que le public va rester indifférent à cette collection de chefs œuvre! Son niveau moral est tellement bas, maintenant! On pense au caoutchouc durci, aux chemins de fer, aux expositions, etc., à toutes les choses du pot-au-feu et du bien-être; mais la poésie, l'idéal, l'Art, les grands élans et les nobles discours, allons donc! [...]
[...] Faites l'éducation d'un enfant intelligent, vous vous amuserez à voir son esprit se développer. Pendant que vous étiez dans vos souffrances, j'étais dans les miennes ; j'ai été physiquement malade le mois dernier, par suite d'une longue irritation nerveuse due à des inquiétudes et tracas domestiques. Les difficultés de mon travail y avaient peut-être aussi contribué. J'écris un gros livre; il est lourd et il me pèse quelquefois. Enfin, me voilà bientôt à moitié; j'ai presque écrit six chapitres! Il m'en reste encore sept. Vous voyez que j'ai encore de la besogne. [...]
[...] Comme si vous aviez besoin de cela pour les faire souffrir! Quant à votre serviteur indigne, il a été le mois dernier assez malade, par suite d'ennuis dont je vous épargne le détail. J'ai travaillé. Je n'ai pas bougé de chez' moi. J'ai regardé les clairs de lune, la nuit, je me suis baigné dans la rivière quand il faisait chaud j'ai pendant quatre mois supporté la compagnie de bourgeois et surtout de bourgeoises dont ma maison était pleine,- et, il y a aujourd'hui trois semaines, j'ai failli passer sous une locomotive! [...]
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