Abélard (1079-1142) et Héloïse (1101-1064) deux intellectuels de premier plan aux amours tragiques, furent deux acteurs importants et représentatifs de ce qu'on a appelé la « renaissance du XIIe siècle ». Abélard enseigna la philosophie à Héloïse et bientôt une liaison commença entre le professeur et son élève qui ne resta pas secrète. Le scandale fut tellement grand que les deux protagonistes se réfugièrent respectivement dans le monastère de Saint-Denis et au couvent d'Argenteuil.
La question de l'authenticité de la correspondance d'Héloïse et d'Abélard demeure une des plus grandes énigmes de l'histoire de la littérature latine, en effet, certains historiens ont mis en question le fait qu'Héloïse soit l'auteure véritable de ses lettres. Même si Héloïse est réellement l'auteure des lettres, il ne faut pas oublier que le genre épistolaire était avant tout un exercice de style et un étalage de culture. Dans les deux lettres étudiées aujourd'hui elle fait part de protestations de dévotion à son époux, sa conception de l'amour et la conscience de l'infériorité et de l'indignité féminine.
Ainsi, on peut se demander en quoi cette correspondance nous montre la conception de l'amour et du mariage de l'époque au travers d'une figure mythique tout en révélant la place de la femme dans la société du XIIe.
[...] Ce fut le cas au départ de celui des deux amants. En fait la question du lien conjugal préoccupait à l'époque tous les gens d'Eglise. C'était le moment même où les théologiens se demandaient encore s'il ne fallait pas ranger l'institution matrimoniale parmi les sacrements. De plus, le XII connait en effet un fort courant anti matrimonial. Ainsi, deux morales s'affrontaient au moyen âge : celle de la société christianisée, et celle de la courtoisie hérétique. L'une impliquait le mariage, dont elle fit même un sacrement ; l'autre exaltait un ensemble de valeurs d'où résultait en principe tout au moins, la condamnation du mariage. [...]
[...] Discours anti matrimonial ? Refus du mariage par amour Héloïse plaide en faveur du concubinage et de l'union libre contre le mariage : Au premier abord, on s'aperçoit que ses arguments sont d'ordre amoureux, elle ne veut pas être considérée comme un problème de plus dans la vie d'Abélard. Elle a même cette parole incroyable dans la bouche d'une abbesse de monastère à la ligne 75 Le titre d'épouse parait plus sacré et plus fort ; pourtant celui d'amie me parait plus doux, il me semblait qu'en m'humiliant davantage j'augmentais mes titres et nuisais moins à la gloire de ton génie» L'abbesse du Paraclet, prenant Dieu à témoin, déclare donc qu'elle eût mieux aimé appartenir à Abélard en amour libre qu'en état de mariage. [...]
[...] Toutefois, les textes canoniques, dès cette époque, précisent que la cléricature n'est pas un ordre ; on peut toute sa vie être appelé clerc et bénéficier des privilèges du clerc tout en menant une vie qui paraitrait une vie des plus laïques. Le clerc est autorisé à se marier. Héloïse n'insiste pas sur cet aspect de la situation. N'ayant pas reçu les ordres majeurs, Abélard pouvait fort légitimement se marier. Mais il y a une dernière raison pour laquelle Héloïse refuse le mariage, et cette raison, Abélard ne l'a pas comprise. [...]
[...] Afin de parfaire cette démonstration, la correspondance contient deux développements, l'un sur les faiblesses de la féminité, l'autre sur ce que doit être l'amour ce qu'on a vu précédemment. Ainsi, n'est-il pas avant tout un discours sur la supériorité fonctionnelle de l'homme, un discours dont les arguments les plus véhéments sont habilement placés dans la bouche d'une femme. Elle les conduit à leur perte. Les femmes ont un second défaut, elles sont considérées comme naturellement indociles, tenant obstinément tête aux hommes qui leur montrent la bonne voie. Héloïse fait valoir une misogynie. Elle reproduit le style et les arguments du mâle. [...]
[...] L'amour de complaisance trouve son plaisir dans le bonheur que ressent l'être aimé (c'est un amour allocentrique, désintéressé). L'amour de bienveillance recherche le bien de la personne aimée (c'est un amour altruiste, une générosité en quête de ce qui est bon pour autrui). Plus que tout elle défend la primauté d'un amour désintéressé. Dans le mariage peut se trouver cette notion d'amor, la concupiscence se convertit, devient sans perdre de sa vigueur, dilectio, c'est-à-dire élan purifié de l'âme. C'est pourquoi Héloïse refuse un mariage qui ne se fait pas dans les règles. [...]
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