La lettre CXXXI est une des lettres-clés du roman Les Liaisons dangereuses qui permet de mieux comprendre la nature profonde et les véritables enjeux du libertinage des héros de Laclos. Il s'agit de la grande lettre « autobiographique » de la Marquise dont le but est double : du point de vue de la Marquise, il s'agit de convaincre Valmont de sa supériorité sur toutes les autres femmes, en lui prouvant l'étendue de ses talents ; du point de vue du lecteur, la lettre a pour fonction d'expliquer « la noirceur » du personnage, et de l'accréditer en le lestant d'une autobiographie (...)
[...] Le terne succès de même que son contraire défaite (au évoquent le dénouement des opérations. Le terme livrer a repris dans les trois assimile le libertinage à une poliorcétique, c'est-à-dire à un art de prendre les places fortes, image renforcée par l'emploi du terme pénétrer qui fait de la révélation d'un secret l'équivalent d'une effraction de l'intimité de la personnalité du danger j'ai trouvé moins dangereux et l'évocation de diverses tactiques : pour triompher, il faut observer attentivement observateur attentif et longtemps, ce que marque bien l'infinitif passé à sens causal pour avoir observé ; l'observation permet alors de surprendre les secrets de l'adversaire. [...]
[...] Ensuite parce que sommé par la Marquise d'admirer les coulisses du jeu libertin et d'en observer toutes les ficelles il devient complice d'une pièce dont il est à la fois spectateur et acteur. Le libertinage est ici assimilé à une pièce de théâtre dans laquelle les rôles sont distribués selon un répertoire classique : il y a d'abord l'héroïne réputé invincible qui se décide vite et qui tient le sort des autres personnages entre ses mains ; elle tient évidemment le rôle, et elle fait songer à une héroïne Cornélienne qui vise au sublime (d'où l'image final de Dalila) ; il y a ensuite les emplois : l'Amant préféré l'Amant malheureux réduits à des types tout à fait stylisés par la majuscule et par l'emploi de l'article défini le L'impression d'assister à une pièce de théâtre est encore renforcé par deux éléments : d'abord par le recours à un langage particulier qui est ici celui de la maxime qui fonctionne, un peu comme chez Corneille, comme un réservoir d'énergie : les maximes apparaissent ici surtout dans le et se reconnaissent à leur moule : celui de l'observation générale les femmes, on, toujours, jamais ainsi que l'usage du présent de vérité général qui contraste avec les éléments du récit qui sont au passé). [...]
[...] La dimension est ici soulignée par le pluriel : combien de nos Samsons modernes qui fait de la Marquise la figure emblématique du pouvoir féminin. Conclusion Lettre capitale sur plusieurs points : sur la plan dramatique, la Marquise, dans sa volonté d'éblouir Valmont, enfreint la règle qu'elle s'est elle-même fixée de ne jamais écrire ; ce faisant, elle commet une imprudence qui entraînera sa perte. Au moment même où elle se croit invincible elle commet le geste qui la perdra. [...]
[...] Parmi plusieurs pistes possibles, nous privilégierions deux aspects du texte qui nous semblent majeurs : l'art du stratège et celui de l'auteur, tout en soulignant au départ que cette division est un peu artificielle, certains comportements étant commun aux deux arts ; ainsi le terme déployer employé à la ligne 1 appartient aussi bien au registre théâtral de l'acteur qui déploie son talent qu'à celui du général qui déploie son armée. L'art du stratège Traditionnellement le libertinage repose sur une stratégie de la séduction et de la conquête. Cet aspect est particulièrement illustré dans ce passage. [...]
[...] Cette lettre, dans son triomphalisme, illustre remarquablement ce que dans une perspective tragique on appellerait son hybris sur la plan psychologique de la connaissance du personnage, le passage illustre plusieurs aspects essentiels : son extraordinaire pouvoir de dissimulation, son exceptionnelle énergie au service de se intérêts, et surtout un féminisme agressif où la revendication de pouvoir féminin s'accompagne d'un mépris des hommes réduits à des objets de plaisir qu'on prend et jette à son gré, et d'une jouissance sadique dans la domination. sur le plan de la nature profonde du libertinage (chez Laclos), qu'on pourrait appeler métaphysique, la passage illustre bien ses paradoxes : loin d'être un abandon à la loi élémentaire du désir (un basic instinct le libertinage apparaît comme un projet infernal de maîtrise (de soi et des autres) où le triomphe a remplacé le plaisir, et où l'être humain se réduit à un noyau dur d'orgueil, d'intelligence et de volonté de dominer. [...]
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