Les techniques du portrait peuvent différer selon les auteurs, selon l'époque de conception des romans, selon la vision que l'auteur a de la société... De grandes disparités existent entre un roman du XIX ème et un roman post-moderne. En effet, le contexte social est tout autre. A l'aide de trois exemples concrets ("Le Père Goriot" de Balzac, "L'Etranger" de Camus et "Extension du domaine de la lutte" de Houellebecq), nous essayerons d'analyser les techniques du portrait. Notre réflexion ne sera pas exhaustive mais se focalisera sur les personnages et les techniques qui nous ont le plus interpellés. Nous suivrons l'ordre chronologique dans l'étude des romans.
Balzac, dans "Le Père Goriot", peint la société parisienne du XIXe siècle à travers ses personnages. Balzac se sert d'un narrateur omniscient. La focalisation zéro implique totalement le narrateur dans le récit. Le narrateur sait tout de ses personnages, de la société qui les entoure, contrairement aux personnages eux-mêmes qui subissent l'action romanesque.
Le narrateur omniscient construit des personnages pleins. Nous pouvons constater que Balzac entretient avec ses personnages une relation quasi paternelle. En effet, il joue un rôle de créateur. Balzac instaure un cercle fermé avec son lecteur. Il joue tellement de la description que le lecteur finit par en savoir autant sur les personnages que l'auteur lui-même.
[...] L'intrigue en elle-même ignore l'intention centrale de l'auteur qui se veut historien, sociologue. Effectivement, la description est tellement approfondie qu'il en découle un discours sociologique. Quand le narrateur parle de Rastignac, il en parle comme la plupart des jeunes gens La description exhaustive des personnages associée au discours sociologique fait naître des types de personnage. Faire un personnage type c'est façonner un personnage qui illustre une idée abstraite grâce à une synthèse entre l'individu et la moyenne. Le personnage devient alors une allégorie d'une fonction sociale. [...]
[...] Au fur et à mesure que la société perd de son unité, le personnage perd toute son identité. Du XIXe au XXe siècle, le personnage est passé du plein au vide, de l'unifié au fragmenté, du descriptible à l'indescriptible, de l'explicable à l'inexplicable . Allons-nous, avec le XXIe siècle, assister à un rétablissement de l'unité du personnage ou la dépression va-t-elle persister dans cet engrenage ? [...]
[...] Tout au long du roman, on remarque que Meursault entretient des relations superficielles avec les autres personnages. Le je axe le récit sur sa personne, sur son individualité contrairement aux personnages balzaciens qui sont des archétypes. Il est important de remarquer que le personnage de Meursault présente des caractéristiques biographiques similaires à celles de Camus. L'auteur insuffle à son personnage fictif des éléments biographiques (même quartier populaire d'Alger, Camus a également vécu avec sa vieille mère, il a dû interrompre ses études . [...]
[...] Le narrateur côtoie des gens sans chercher à les cerner. Il les côtoie par obligation et non par conviction. Houellebecq construit ses personnages sans leur apporter de réelles relations humaines. Nous pouvons déduire que le narrateur, par un procédé d'indifférence (peu de description, juxtaposition de phrases synthétiques ; économie syntaxique, grammaticale, lexicale . est un observateur qui relève la banalité du monde, de la société sans essayer de la comprendre. Houellebecq, en quelques phrases, arrive à percer le secret de l'individu moderne. [...]
[...] Balzac écrit un autre roman qui a un titre identique du point de vue de la structure : Le colonel Chabert. Ce titre énonce le nom du personnage et lui assigne un type colonel avec tout ce qu'il peut connoter : l'autorité, le courage . Balzac se serre de ses titres pour préfigurer son roman. Les titres sont annonciateurs de la forme que prendra le roman. Les titres balzaciens trament les romans sur le personnage. Camus utilise un titre ambivalent : il met à la fois l'accent sur le personnage principal et à la fois préserve l'identité du personnage. [...]
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