Ce texte autobiographique est à la première personne - « je descendais », « j'allais », et est écrit à l'imparfait. Ce temps marque l'antériorité de ce qui est raconté par le narrateur et la régularité de l'action. En effet, dans les paragraphes précédents notre extrait, Rousseau évoque le déroulement d'une journée et ses habitudes ; grâce aux marqueurs de temps « Quand le soir », il situe l'épisode dans un contexte temporel. La première phrase est caractérisée par la parataxe, en effet les juxtapositions créent un rythme lent, une phrase interminable et sinueuse qui imite l'aspect sauvage et escarpé du paysage. Le déplacement du poète se fait vers l'intérieur : il part des « cimes de l'île » vers un « asile caché » ; on arrive ainsi à la confrontation de deux solitudes : celle que recherche le poète et celle du paysage. Cette quête de Jean-Jacques Rousseau annonce l'introspection qui va naître. Le déplacement est interrompu et laisse place à l'immobilité : cette rupture est rendue par la présence du point virgule et de la précision spatiale « là ». Dans cette deuxième partie, le champ lexical de la nature - et notamment de l'eau : « vagues », « eau », « plongeaient », « flux et reflux » - se confond et fait naître celui de la rêverie (« une rêverie délicieuse », « rêverie »). Ce glissement vers la rêverie est accentué par la musicalité du texte, comme les allitérations liquides en [s], [ch], [l], [m] qui prolongent la phrase et rendent le temps réel imperceptible pour le narrateur (...)
[...] La dernière phrase du premier mouvement du texte est caractérisée par sa longueur et ses juxtapositions. L'« eau qui fixe les sens du narrateur est clairement évoquée et analysée, notamment avec le sens de l'ouïe, son bruit mon oreille et la vue, mes yeux L'eau est caractérisée par ses mouvements ininterrompus ce qui contraste avec l'immobilité du narrateur. Le mais qui sépare cette proposition met en contradiction deux notions ; ce qui est continu et les intervalles Le mouvement est complexe, il correspond à l'évolution de la rêverie vers laquelle tend le narrateur. [...]
[...] Là, le bruit des vagues et l'agitation de l'eau, fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation, la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m'en fusse aperçu. Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu, mais renflé par intervalles, frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi, et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. [...]
[...] Conclusion Introduction : Les Rêveries du promeneur solitaire est un texte que Rousseau écrit dans les dernières années de sa vie, entre 1776 et 1778. Il définit lui- même ce recueil comme l'« informe journal de [s]es rêveries Dans la cinquième promenade il relate son séjour, particulièrement apprécié, sur l'île de Saint-Pierre ; proche de la nature et isolé du monde, les journées de Rousseau sont de longues promenades au cours desquelles il laisse vagabonder son esprit. Dans quelle mesure notre extrait illustre-t-il cette proximité entre la nature et la rêverie ? [...]
[...] On retrouve l'idée d'un mouvement continu qui berc[e] le narrateur. Si l' uniformité du mouvement efface les impressions au contraire les intervalles évoquées précédemment correspondent aux diverses réflexions qui traversent l'esprit du narrateur. Rousseau contemple l'eau, ce pouvoir qui entraîne la vision est presque magique ; on peut voir l'opposition entre la contemplation de la surface des eaux de la simple façade à la profondeur de la réflexion métaphysique. Le champ lexical de l'eau a un effet d'apaisement, il berc[e] le narrateur et a sur lui un pouvoir de fascination qui le libère lui-même de toute agitation La passivité totale du narrateur est rappelée à la fin du passage par la tournure transitive des verbes m'attacher m'arracher et la vacuité de son esprit au moment de la rêverie : sans aucun concours actif de mon âme Les deux verbes et la forme intransitive montrent un lien très fort entre le narrateur et la rêverie dont il ne peut sortir qu'avec effort Le retour à la réalité montre clairement la soustraction forcée de cet état de contemplation qui tend vers l'extase par l'opposition entre le bonheur de la rêverie et le malheur de la réalité. [...]
[...] Le passage s'achève sur le mot effort qui rend compte encore plus clairement de la fin de la rêverie et du retour dans le monde extérieur. Conclusion : En conclusion nous pouvons dire que ce texte présente l'entrée du narrateur dans la rêverie, celle-ci se confond avec la nature. Ce moment est privilégié, c'est un plaisir pour Rousseau. La rêverie s'achève sur le retour dans le temps du monde extérieur, qui montre avec plus d'éclat le moment fugace et rare que veut vivre le narrateur. [...]
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