Le chapitre XXVI est le plus long du premier livre des Essais. Dédié à une future mère, Madame Diane de Foix, cet essai traite de l'éducation comme son titre « De l'institution des enfants » le laisse présager. Dans le chapitre précédent, Montaigne condamnait les formes pédagogiques en vigueur depuis plus de deux siècles, celles-ci ne correspondant plus au niveau de connaissance atteint à la Renaissance. Dans cet extrait situé suite à la dédicace, l'auteur insiste tout d'abord sur le choix du précepteur, puis définit sa propre conception de la pédagogie qu'il explicite ensuite en opposant le jugement à la mémoire. Il s'attache donc à remettre en cause une pédagogie jugée dépassée pour insister sur le choix d'un précepteur qui incarne la « nouvelle manière » d'éduquer.
En utilisant l'expression « nouvelle manière », Montaigne entend s'inscrire en faux contre le système d'éducation de son temps. C'est pourquoi il expose de manière polémique un certain nombre de refus pour ensuite proposer de nouvelles méthodes. Il y a donc dans les idées sur l'éducation de Montaigne un côté négatif. En effet, l'auteur reprend la critique adressée dans le chapitre précédant aux « pédants ». Cette expression désigne les maîtres d'école qui enseignent uniquement dans le but de gagner leur vie. Selon lui, la finalité de l'apprentissage doit être plus noble et « non pour le gain ». La justification « car une fin si abjecte est indigne de la grâce et de la faveur des muses » montre le rejet d'une connaissance utilitaire. Celle-ci ne saurait être ni monnayée, « ni tant pour des commodités externes ». Si Montaigne ne développe pas ces « commodités », le lecteur comprend que l'acquisition de l'éducation ne doit pas servir à faire étalage de son savoir dans le monde ou à faire preuve d'une attitude intéressée. Jouant avec la polysémie du mot « gain », l'auteur précise que le vrai profit de l'éducation n'est pas lucratif mais consiste plutôt à bénéficier d'un enrichissement personnel, pour « s'enrichir et parer au-dedans ». Pour être réellement profitable, l'acquisition de la culture et des lettres doit être désintéressée. (...)
[...] Selon lui, la finalité de l'apprentissage doit être plus noble et non pour le gain La justification car une fin si abjecte est indigne de la grâce et de la faveur des muses montre le rejet d'une connaissance utilitaire. Celle-ci ne saurait être ni monnayée, ni tant pour des commodités externes Si Montaigne ne développe pas ces commodités le lecteur comprend que l'acquisition de l'éducation ne doit pas servir à faire étalage de son savoir dans le monde ou à faire preuve d'une attitude intéressée. [...]
[...] Un autre refus sur lequel insiste Montaigne et qui paraît à première vue paradoxal est celui de la science. En fait il ne s'agit pas vraiment du refus de la science mais celui du pédantisme. Il s'agit de la prétention à la fausse science, un savoir qui se résumait à quelques œuvres enseignées par des clercs. Montaigne résume dans l'expression ayant plutôt envie d'en tirer un habile homme qu'homme savant ce rejet de la science. Ce qu'il rejette c'est la définition de la science comme un absolu en dehors duquel rien n'a de valeur, un monde intemporel, fermé sur lui-même dénué de toute réalité où l'élève sait les livres mais non vivre. [...]
[...] Il faut donc que l'élève montre du goût, de la motivation dans son apprentissage. Quant au précepteur, il doit lui faire goûter les choses La pédagogie se fonde donc sur l'émulation, soit la combinaison des activités intellectuelles et ludiques. Cette tâche est d'autant plus difficile que le précepteur doit se ravaler et savoir condescendre à ses allures puériles Pour établir un dialogue avec l'enfant, il faut donc se mettre à sa portée. Cette adaptation est nécessaire à la transmission du savoir et des méthodes. [...]
[...] Montaigne oppose cette méthode à celle de la mémoire mécanique qu'il bannît. Avec un raisonnement par analogie, il compare cet apprentissage dérisoire à un gavage. La nourriture de l'enseignement est comme qui verserait dans un entonnoir et favorise la crudité et indigestion Le caractère absurde de la mémoire mécanique est exprimé par les expressions ce n'est que redire ce qu'on nous as dit. L'emploi du pronom impersonnel on du présent gnomique et l'expression verbale on ne cesse de suggère l'uniformité et la lassitude des enfants soumis à la méthode scolastique. [...]
[...] C'est pourquoi Montaigne instaure une pédagogie fondée sur le jugement. Le précepteur a pour charge de développer chez son élève la faculté de raisonner : Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance. et une certaine indépendance d'esprit : que ce qu'il viendra d'apprendre, il le lui fasse mettre en cent visages et accommoder à autant de divers sujets, pour voir s'il l'a encore bien pris et bien fait sien [ ] Montaigne, en racontant l'anecdote de l' honnête homme de Pise, s'insurge contre la conformité de la pensée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture