Les "Éthiopiques", écrites en 1956, témoignent du mouvement de la négritude ; il s'agit de reprendre une forme lyrique antique faisant partie de la culture française : les odes de Pindare, pour les adapter à la culture africaine. Le poème « À New York », extrait de ce recueil, rend compte de la même démarche : sur le motif de l'ode pindarique divisée en trois parties (strophe, antistrophe et épode) sont déclinées des images de New York.
Harlem, vu par le poète comme un spectacle grandiose et édifiant, est ensuite relié à New York, à qui il demande de mêler la culture noire à la culture occidentale. Quel traitement Senghor fait-il du topos de la description et de l'ode, où il apparaît comme spectateur de Harlem mais aussi acteur ? Quelle image de Harlem le poète établit-il, alors qu'il est dans la grande métropole de New York ? Comment l'écriture de Senghor rend-elle compte du métissage qu'il espère et de la poétique qu'il établit ?
[...] Sont ensuite mis côte à côte les ailes de séraphins et des panaches de sorciers or les séraphins sont des anges, donc par définition blancs, alors que les sorciers sont souvent représentés en noir. De plus aux chevaux de police new-yorkais se mêlent des mangues, un fruit exotique, qui représente l'Afrique. L'adjectif amphibies (l14) montre des êtres qui fonctionnent aussi bien dans l'eau que sur terre, faisant référence à la dualité des habitants de Harlem : soit qu'ils sont blancs et noirs, soit que les noirs s'adaptent aussi bien au monde blanc qu'au monde noir. [...]
[...] Harlem est même comparée à une huile de vie (l33). La vie est aussi beaucoup présente à travers le mot sang, qui en est un symbole, répété sept fois. La vie se retrouve aussi dans le rythme binaire du poème qui peut représenter le souffle de la parole mais aussi le battement du cœur, comme le dit le poème à la ligne cinq : écouter [ ] ton cœur battre au rythme du sang ton sang Toute cette profusion, cette animation est inconnue pour le je qui, dépassé, tente d'en rendre compte. [...]
[...] Les prépositions voici et voilà annonciatrices d'un monde nouveau, relèvent aussi de ce procédé. Enfin Senghor utilise aussi l'invocation, un procédé de la religion animiste qui consiste à appeler, réveiller des esprits. Ainsi en appelant des choses, celles-ci arrivent. Ce procédé est présent dans la formule Qu'il 33, et on le retrouve aussi dans la bible : que la lumière soit, est la lumière fût Senghor définit aussi dans ce poème sa poétique, par la phrase L'idée liée à l'acte l'oreille au cœur le signe au sens (l38). [...]
[...] Ce rythme binaire, lié à la musicalité, au chant produit par les exclamations, donne la tonalité de jazz, que Senghor annonce près du titre du poème : (Pour un orchestre de jazz : solo de trompettes De plus, beaucoup d'instruments propres au jazz sont présents dans le poème : hautbois saxophone trombones (l4). Le fait que Senghor ait choisi un solo de trompettes plutôt que d'un autre instrument n'est pas anodin, celles-ci marquent un moment particulier, important et sont de plus souvent associées à la célébration. [...]
[...] Senghor, quand il arrive à Harlem, après avoir vu New York, décrit tout ce qu'il voit et rend compte d'un véritable spectacle. Cependant dans ce spectacle où il était passif, il devient, dans un deuxième temps, acteur. Malgré le découpage en deux parties, qui correspond à l'antistrophe et l'épode utilisées à l'origine dans les Odes Pindariques, il existe une composition en 3 parties : dans un premier temps, le poème évoque ou plutôt invoque New York, jusqu'à la ligne 5 : New York est interpellée avec un point d'exclamation. [...]
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