Les deux premiers paragraphes du chapitre décrivent les premières réactions du nouveau-né et la manière dont il fallut résoudre le problème de son allaitement. Le récit est traité sur le mode burlesque (...)
[...] la satire : Tout aussi surprenante est la dimension satirique qui apparaît inopinément au détour d'une plaisanterie. Ainsi en est-il de le version selon laquelle Gargantua aurait été allaité par sa propre mère, version qui est attribuée aux docteurs scotistes Qui son ces docteurs? Ce sont , au 16ème siècle, les disciples d'un philosophe du 13ème siècle, Dun Scot, disciples, que les humanistes considéraient comme d'obscurs formalistes : à la scolastique de ces docteurs, les humanistes opposent la clarté de la philosophie antique. [...]
[...] Mais nous y trouvons aussi de l'humour, des jeux de mots, une satire des sophistes, et aspect le plus inattendu, une sorte de regard émerveillé sur le bonheur d'exister que manifeste tout nourrisson bien repu, qui ouvre ses sens à la lumière et à la musique de ce monde. Rien ne rend mieux l'étonnant mélange du grotesque et du poétique que la dernière phrase du chapitre où nous voyons s'exprimer toute la joie de vivre de l'enfant Gargantua : A ce son, il s'épanouissait, tressaillait, se berçait lui-même en dodelinant de la tête, jouant de la monocorde avec ses doigts et barytonnant du cul. [...]
[...] Et, ajoute Rabelais il n'en humait goutte sans cause ce qui veut dire, en français moderne, qu'il n'était pas ivre pour rien : s'il arrivait qu'il fût dépité, courroucé, contrarié ou chagrin, s'il trépignait, s'il pleurait, s'il criait, en lui apportant à boire on le rassérénait et, aussitôt, il restait tranquille et joyeux - ce recours fréquent au vin pour arrêter ses braillements, s'ajoutant à sa complexion naturelle, ont pour effet qu' il était prodigieusement flegmatique des fesses Le tempérament flegmatique pour la médecine de l'époque, s'accompagnait d'un relâchement de toutes les fonctions, et dans le cas de Gargantua des sphincters; d'où nous précise le récit qui bascule dans le scatologique, il se conchiait à tout moment ce qui n'a rien de surprenant pour un nourrisson. Rien de sérieux donc, à première vue, dans cette description qui est traitée sur le ton d'un comique burlesque. Gigantisme et démesure : C'est le second aspect de ce chapitre qui reprend le thème des géants, empruntés aux récits populaires de la tradition orale. [...]
[...] - comme tous les nouveaux-nés, il braille à sa naissance, mais c'est pour demander A boire! à boire! à boire! Outre sa précocité à parler, ce détail insiste surtout sur sa prédisposition à aimer le bon vin, thème amplement développé dans la suite du chapitre. Son père s'écrie en le voyant ainsi brailler : Que grand tu as! (sous entendu le gosier), d'où son nom : Gargantua. [...]
[...] pour son allaitement ordinaire. Une autre version de l'histoire prétend qu'il fut allaité par sa mère qui pouvait traire de ses mamelles quatorze cent deux pipes neuf potées de lait à chaque fois. On notera la précision comique de ces chiffres. D'autres expressions traduisent cette démesure : quand il crie, on lui donne à boire à tire- larigot locution adverbiale qui date du 16ème siècle et qui signifie en grande quantité. C'est sans nul doute à cette alimentation généreuse qu'il faut attribuer sa bonne trogne et ses presque dix huit mentons - Enfin, il faut mettre sur le compte de ce gigantisme la belle charrette à bœufs qu'un dénommé Jehan Deniau lui a construite en guise de landau, pour qu'on le promène par cy, par là, joyeusement un ton héroïcomique : - Il est bien certain que Gargantua sera le héros de ce roman, mais que ces anecdotes sur sa toute première enfance ne relèvent d'autres prédispositions à un destin exceptionnel qu'un très solide appétit de vivre. [...]
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