Electre de Giraudoux, publiée en 1937, est une version moderne du mythe antique. Alors qu'un étranger entre dans Argos, on annonce le mariage prochain d'Electre, fille d'Agamemnon et d'un jardinier. L'étranger la soustrait à cette obligation et révèle être Oreste, frère exilé de la jeune femme. La scène 8 de l'Acte II marque un coup de théâtre, Egisthe réapparaît transformé en roi, conscient de son rôle... Electre cependant réclame justice pour le meurtre de son père. S'ensuit un long débat entre Egisthe et Electre, alors que les Corinthiens menacent d'attaquer la ville. Nous pouvons nous demander en quelle mesure le dialogue est argumentatif. Nous étudierons en premier lieu la “justice intégrale” d'Electre, puis la politique d'intérêt général d'Egisthe et finalement le duel de valeurs au cœur de cette confrontation.
[...] Electre est un être passionné, aveuglé par son désir de vengeance qui l'empêche de distinguer qu'elle agit de façon contraire aux exigences de la Justice. Egisthe tente tout au long de l'extrait de la raisonner, de lui faire comprendre ce qu'est la Justice. Loin de l'idéalisme, elle se doit de penser à l'intérêt général. La politique opposée à la morale Cet extrait est un dialogue de sourd où s'opposent des consciences morales bien différentes ainsi que deux conceptions de la Justice, éloignées l'une de l'autre. [...]
[...] Egisthe au contraire, exprime un point de vue pragmatique et concret sur la situation qu'il juge alarmante. II Une morale pragmatique Un nouvel homme Depuis la scène Egisthe a pris conscience de sa charge de chef d'état : le chef sans scrupule s'est métamorphosé en roi digne de ce nom qui n'a comme principale motivation que le salut de sa ville qu'il refuse de laisser périr : oses dire qu'elle est la justice des dieux Egisthe pense avant tout à sauver les habitants du massacre comme le démontre l'absence du pronom personnel sujet ; quand Egisthe parle enfin de lui, c'est en utilisant un procédé de distanciation : parles en jeune fille, non en roi”. [...]
[...] En effet, Electre prouve son style noble en choisissant de vouvoyer son adversaire, le forçant ainsi à rester dans un dialogue respectueux. Electre manie subtilement l'argumentation : elle utilise des verbes d'opinion forts m'en garde”, ne l'accepte qui instaurent par ce biais une atmosphère polémique. D'autre part, elle assied ses propos par l'utilisation du pronom personnel qu'elle mêle avec finesse à des vérités générales, au style gnomique quand le crime porte atteinte à la dignité humaine ( . ) il n'est pas de pardon”). [...]
[...] En tant qu'affaire de famille, sa mort cause un idéalisme inébranlable chez Electre qui recherche à tout prix la justice . Elle compare ainsi l'injustice à une maladie gangrenant la “dignité humaine”. Elle emploie le terme fort de pour désigner le meurtre perpétré par Clytemnestre et Egisthe. Cette mort provoque donc une décision d'ordre moral chez Electre. En tant que qu'affaire d'état, elle est rationalisée par Egisthe qui réagit en roi ; ses préoccupations et son action relèvent exclusivement du champ de l'humain et du politique : parles en jeune fille, non en roi. [...]
[...] Dans la même perspective, il relativise les convictions propres d'Electre : vérité, si elle est”. Ses réticences s'expriment, d'autre part, grâce à l'habile exagération des propos d'Electre : justice d'Electre consiste à ressasser toute faute, à rendre tout acte irréparable Cette question rhétorique n'attend pas de réponse de la part d'Electre, pour qui la demi- mesure n'existe pas : “irréparable”. Egisthe considérant son peuple comme des individus, dont il doit assurer la prospérité, déclare donc la Vie comme valeur suprême : scandale ne peut que l'achever” et est prêt à tout pour qu'elle perdure, même s'abaisser à supplier Electre. [...]
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