Le Ventre de Paris est le troisième volume de la série romanesque des Rougon-Macquart d'Émile Zola (1840-1902) et fut publié en 1873. L'action se déroule aux Halles centrales de Paris, construites par Victor Baltard entre 1854 et 1870. Imprégné de deux réalités historiques (la fusillade en 1851 sur le boulevard Montmartre suivie de la déportation des militants républicains à Cayenne et l'inauguration en 1857 des premiers pavillons des Halles), Zola utilise la plus grande innovation architecturale du Second Empire pour en faire un monstre mettant en valeur les appétits humains les plus bas, comme le seront plus tard l'alambic dans L'Assommoir (1877), le grand magasin dans Au Bonheur des Dames (1883) et la locomotive dans La bête humaine (1890). L'humanisation de cette prouesse architecturale de l'époque éclipse quelque peu les membres de la famille Macquart, qui ne jouent pas un rôle essentiel dans le roman : Lisa Macquart, la soeur de Gervaise (L'Assommoir), mariée à Quenu, y est charcutière ; sa fille Pauline sera l'héroïne de La Joie de vivre ; et surtout Claude Lantier, son neveu, jeune peintre, sera le personnage central de L'Oeuvre.
Dans cet extrait du chapitre I, l'influence des Rougon-Macquart rejoint la description de ce lieu quelque peu symbolique du Second Empire, lorsque le personnage central du roman, un jeune homme, Florent, échappé du bagne et affamé, vient de contempler la vitrine d'une riche charcuterie des Halles de Paris. Ses regards se portent maintenant sur la charcutière Lisa Quenu, membre de la branche bâtarde des Rougon (...)
[...] L'attitude de la charcutière est mise en valeur par le regard de Florent. Un tel tableau le fait frissonner comme en témoignent les assonance en et allitérations en et de la première phrase de l'extrait (Florent sentit un frisson à fleur de peau). Lisa apparaît donc comme une idole immobile, opulente et sereine, une Madone des Halles sur qui ruisselle la pure lumière du matin. II- Une caricature féroce Cependant, ce portrait est ambigu car un grand nombre d'éléments en font aussi une terrible caricature d'une indéniable férocité. [...]
[...] Une admiration moqueuse En effet, nombreuses sont les marques de la cruauté caricaturale de l'auteur : - avant de dresser ce portrait de la charcutière, Zola a décrit son commerce. Ainsi, l'expression Elle mettait un bonheur de plus au milieu de toutes ces gaietés grasses (lignes associe cruellement la beauté de Lisa à celle des saucissons, boudins et autres plats cuisinés avec lesquels l'auteur vient d'exciter nos papilles. - la précision Elle tenait la largeur de la porte (lignes relève plus de l'admiration malicieuse que de l'émotion esthétique. [...]
[...] Le portrait se complique alors : - l'aphorisme Cela la rendait très propre (ligne renvoie davantage à une obsession professionnelle de l'hygiène qu'à une atmosphère de séduction. Ainsi bridée (Son col de linge empesé bridant sur son cou, lignes la charcutière laisse deviner une manie de la propreté. - en soulignant que son corset tendait l'étoffe, extrêmement (lignes 12- 13). Zola raffine encore l'ironie avec l'adverbe final qui joue manifestement le rôle d'une baleine mettant le tissu à rude épreuve. [...]
[...] Ses regards se portent maintenant sur la charcutière Lisa Quenu, membre de la branche bâtarde des Rougon. Le portrait impressionniste d'une charcutière Debout sur le seuil de son magasin, en plein soleil matinal, la jeune femme se présente donc au lecteur : la plénitude de sa silhouette offerte aux jeux de la lumière et la sérénité de son attitude concourent à constituer un tableau impressionniste qui met en valeur sa beauté. Une mise en valeur par des jeux de lumière C'est en effet une femme lumineuse qui est présentée, dans une plénitude solide et heureuse (lignes et la maturité de la trentaine (lignes 5). [...]
[...] Son col de linge 10 empesé bridant sur son cou, ses manches blanches qui lui montaient jusqu'aux coudes, son tablier blanc cachant la pointe de ses souliers, ne laissant voir que des bouts de sa robe de cachemire noir, les épaules rondes, le corsage plein, dont le corset tendait l'étoffe, extrêmement. Dans tout ce blanc, le soleil brûlait. Mais, trempée de clarté, les cheveux bleus, la chair rose, les manches et la jupe éclatantes, elle ne clignait pas les 15 paupières, elle prenait en toute tranquillité béate son bain de lumière matinale, les yeux doux, riant aux Halles débordantes. Elle avait un air de grande honnêteté. [...]
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