Commentaire d'un extrait du roman Le Parfum de Patrick Süskind dont le héros, Jean-Baptiste Grenouille, naît sous le signe de la puanteur, sous un étal de poisson, sur une place de marché qui est un ancien cimetière. Dans un rythme croissant d'odeurs pestilentielles jusqu'à la naissance de Grenouille, Patrick Suskïnd fait une description olfactive de Paris au dix-huitième siècle. Comment se manifeste le germe de la mort par le déclin et la pourriture ?
[...] Elle n'avait qu'une envie, c'était que cette douleur cessât, elle voulait s'acquitter le plus vite possible de ce répugnant enfantement. C'était son cinquième. Tous les autres avaient eu lieu derrière cet étal et, à tous les coups, c'avait été un enfant mort-né ou à peu près, car cette chair sanguinolente qui sortait de là ne se distinguait guère des déchets de poisson qui gisaient sur le sol, et ne vivait d'ailleurs guère davantage, et le soir venu, tout cela était balayé pêle-mêle et partait dans des carrioles vers le cimetière ou le fleuve. [...]
[...] Par ailleurs, les restrictifs un peu et à part soulignent son état de délabrement. L'antithèse longtemps et cinq ou dix ans mise en évidence par le modalisateur d'incertitude peut-être souligne sa faible espérance de vie. De même un mariage semble incertain peut- être même se marier On découvre son métier de poissonnière, elle est «debout derrière un étal de poissons». Les verbes écailler et vider nous donnent une image très réaliste des tâches qu'elle accomplit. Que cette femme vide des gardons ou qu'elle tranche son cordon ombilical, elle effectue les mêmes gestes, avec le même couteau à poisson C'est une femme tellement habituée à la puanteur que son nez était extrêmement endurci contre les odeurs». [...]
[...] La mort est perceptible à travers le verbe gisait Le devenir des corps est mis en parallèle avec le devenir de l'odeur. Les nombreux démonstratifs ce c'avait été cette ajoutés à tout cela était balayé pêle-mêle» mettent en évidence la violence d'une société qui ne s'attendrit pas sur une naissance. Les corps partent avec les déchets de poisson vers le cimetière ou vers le fleuve La naissance n'est qu'une fâcheuse corvée dont il faut s'acquitter le plus vite possible L'emploi de tous à deux reprises et la précision cinquième suggèrent l'habitude de ces enfantements expéditifs. [...]
[...] Une naissance qui contient le germe de la mort : L'article indéfini un insiste sur le peu d'importance qui est donné à la naissance. De plus, le qualificatif mort-né met l'accent sur cet enfantement répugnant Ce groupe nominal hyperbolique et péjoratif montre bien que rien de vivant ne peut sortir de cette putréfaction sans contenir le germe de la mort. Que l'enfant soit mort ou à peu près mort son sort est le même que celui des déchets de poisson Les négations ne guère et guère davantage insistent sur le sort de deux corps en décomposition qui ne diffèrent pas. [...]
[...] Conclusion : L'originalité de ce passage repose sur une description olfactive qui s'achèvera avec la naissance de Grenouille dans la crasse des bas-fonds de Paris. Les valeurs de la vie et de la mort sont comme inversées, sous le règne d'une source odorante qui en périssant et en se décomposant se transforme en fétidité. Mais c'est aussi, à travers le portrait de la mère, une description sociale de la vie urbaine et de ses dommages olfactifs. L'enfant qui vient de naître, dont la mère aura la tête coupée en place de Grève, partira à la quête n du Graal, qui n'est autre qu'un plat à poisson. [...]
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