Le choc de la guerre a inspiré ce poème si célèbre et si apprécié, qui nous entraine dès l'abord par sa grande simplicité, et cette antithèse frappante entre le tableau idyllique du vallon et du dormeur, et la mort violente que l'on découvre au dernier vers. Le poète développe uniquement le premier terme de l'antithèse, et nous laisse, interdit, devant cette image finale de la mort d'un jeune soldat. Quelles réflexions peuvent éveiller l'évocation d'une telle mort ?
Rimbaud a adopté ici la forme classique du sonnet et fait preuve d'une remarquable discrétion dans la composition de ce poème. Nous étudierons donc successivement ce qui fait de l'évocation de ce val un tableau idyllique, puis tout ce qui caractérise le bonheur et la liberté du dormeur. Enfin, nous nous demanderons comment la composition et la versification du poème contribuent à transformer ce sonnet en une énigme qui se résout avec sa chute.
Le premier quatrain du sonnet est consacré à l'évocation du paysage et cette évocation est annoncée par la présentation du tableau :
« C'est un trou de verdure ». Il s'agit d'un vallon où s'ouvre une clairière, dominée par « la montagne fière ». Le chant de la rivière est sans aucun doute provoqué par le resserrement du cours d'eau entre les rochers et la chute de l'eau sur les pierres (...)
[...] Il est jeune, sans képi ni casque. Une notation de couleur, impressionniste encore, attire notre attention : le frais cresson bleu : le cresson gorgé d'eau présente une teinte vert foncé aux reflets bleutés, provoqués par l'ombre des arbres. Le rejet du vers 7 souligne la profondeur du sommeil, et l'apaisement complet dont jouit le jeune homme. Sa pâleur provient de la teinte verte de l'herbe, qui pâlit son visage. Et les derniers mots du second quatrain, où la lumière pleut nous ramènent à un tableau très lumineux ; les rayons du soleil, filtrés par les arbres, tombent sur l'herbe en une sorte de pluie. [...]
[...] Le premier tercet continue le deuxième quatrain. Le soldat sourit en dormant d'un profond sommeil, et ce sourire accentue sa jeunesse au point de le ramènera l'enfance. Le poète apostrophe alors la Nature personnifiée, mère protectrice, par un vers dont les coupes régulières marquent la solennité : Nature, berce-le chaudement, il a froid Comment ne pas voir, derrière cet appel romantique à la Nature, une allusion discrète à la situation douloureuse de ce jeune poète de seize ans, privé d'amour maternel, en proie à la révolte. [...]
[...] Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme. Nature, berce-le chaudement, il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. [...]
[...] Enfin, nous nous demanderons comment la composition et la versification du poème contribuent à transformer ce sonnet en une énigme qui se résout avec sa chute. Le premier quatrain du sonnet est consacré à l'évocation du paysage et cette évocation est annoncée par la présentation du tableau : C'est un trou de verdure Il s'agit d'un vallon où s'ouvre une clairière, dominée par la montagne fière Le chant de la rivière est sans aucun doute provoqué par le resserrement du cours d'eau entre les rochers et la chute de l'eau sur les pierres. [...]
[...] Un poète-cinéaste nous présenterait d'abord un plan panoramique du val, en offrant l'ensemble du décor à notre regard. Puis dès le second quatrain, il resserre le champ de vision de la caméra pour saisir le jeune soldat par un plan d'ensemble, dans une position étrange, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu (vers 6). Le mouvement de la caméra nous découvre successivement le corps du dormeur dans sa position insolite, sa pâleur (vers les pieds dans les glaïeuls (vers enfin son sourire douloureux d'enfant malade (v. [...]
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