Alors que la famille du docteur Jivago est partie se réfugier à Paris, Iouri, Larissa et sa fille, réunis, décident de se cacher dans la maison Mikoulitsyne à Varikyno. Ce bref séjour est un moment de trêve dans leurs voyages. Enfin, le docteur Jivago peut oublier pour un instant ses tourments et mener une vie de famille normale. En effet, Lara et lui seront peu après séparés, encore une fois, par les événements qui viendront troubler leur tranquillité. La maison des Mikoulitsyne dispose d'un cabinet de travail à la « table de travail large et confortable », attisant, voir appelant Iouri à s'y asseoir pour écrire. Lara lui demande d'ailleurs de « sacrifie[r] quelques heures dans les nuits qui viennent et [d'] inscri[re] tout ce qu'à des moments divers [il lui a] récité de mémoire ». Une fois correctement installés et ressentant le bonheur du foyer familial, Jivago peut enfin s'adonner à ce besoin d'écrire. Ce moment donne lieu à une intense expérience de création. Comment est présentée l'inspiration poétique et de quelle manière se confronte-t-elle à la réalité historique ? (...)
[...] Si cette halte est un moment de paix intérieure pour le héros qui retrouve l'inspiration, elle est aussi l'occasion d'un métadiscours illustrant les enjeux de l'acte d'écriture, dans un passage où réalités artistique et historique s'affrontent. Le séjour à Varikyno donne lieu à un moment de paix individuelle dans un contexte de guerre. Ressentant pour la première fois depuis longtemps un vrai bonheur, le héros semble en quelque sorte touché par la grâce. Lara, Katenka et Iouri sont bel et bien installés dans la maison des Mikoulitsyne qui devient leur chez-eux. Cachés, ils vivent alors en paix leur quotidien, reprenant des activités normales. Dans ce nouveau foyer familial, l'atmosphère est idyllique. [...]
[...] Pour reprendre les mots de Georges Nivat dans Vivre en Russe, on assiste ici à un duel de l'Histoire asservissante et de l'art affranchisseur mais dans lequel l'art est mis en avant dans une mise en scène quelque peu manichéenne de la confrontation. Fidèle à l'étymologie de son nom, Jivago, en compagnie de Lara, est le personnage qui symbolise le sens de la vie. Comme le dit Aucouturier, les deux personnages« n'ont pas à parler pour voir et entendre, pour vivre et pour respirer, pour sentir et pour aimer la beauté de la vie Ce mouvement, notamment vers le futur, se fait grâce à l'art, qui offre une nouvelle vision du monde et ouvre sur l'avenir. [...]
[...] On sort du sommeil et on dégringole dans le réel. L'acuité de la perception est le critère premier du réel authentique. Il y a deux expressions de ce réel aigu, vivant, matutinal. L'une violente : le réel, c'est l'Histoire. Elle a des matins, mais aussitôt après elle impose son joug. L'autre expression est l'Art, qui est un précipité de réel. L'épisode révèle bien la confrontation entre la réalité historique et la réalité poétique. [...]
[...] Plus loin, la lumière de la lune qui était auparavant splendeur est devenue incandescence aveuglante Ce motif semble révèle la perte de la vision poétique. La réalité historique semble alors couper les ailes du poète. Le passage se présente donc finalement comme la révélation de la situation du docteur Jivago auquel est incombée une mission qui dépasse la sphère de la réalité historique et le présent des événements, et explique son hésitation et son attitude politique fuyante tout au long de l'œuvre. [...]
[...] Pasternak écrit : nous cessons de reconnaître la réalité. Elle nous apparaît comme sous une catégorie nouvelle La réalité artistique donne accès à une vérité objective plus essentielle que le langage commun. L'art est en effet définit dans le roman comme patrie et réceptacle de la beauté et du sens, [qui] se met à penser et à parler pour l'homme Dans vivre en Russe, Georges Nivat, en parlant du Docteur Jivago, dit : c'est l'émerveillement devant la naissance du jour. [...]
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