Texte capital, placé au centre du recueil, composé de trois poèmes (autrefois numérotés), où le poète se brûle à un feu purificateur et régénérateur. Ecrit en 1908, auparavant intitulé Le Pyrée (grec "pyra" (bûcher) ; "pyreia" (les morceaux de bois pour faire du feu) ; "pyreios" (ardent) : le choix du mot grec, transparent, rapproche de l'idée de ciel et d'immortalité ; l'empyrée étant la partie la plus haute du ciel où vivent les dieux. Dédicace "A mon ami le grand poète". "Mon meilleur poème, sinon le plus immédiatement accessible" dira Apollinaire, "je ne cherche qu'un lyrisme neuf et humaniste à la fois". En vérité il s'agit d'un poème complexe dans ses allusions, mais il est vrai que le "Je" fait l'expérience du Phénix ou d'Hercule, mourir à lui-même par un sacrifice dans les flammes, pour renaître à un statut supérieur ; en ce sens, parler d'Hercule convient mieux : cette expérience est unique et non répétée comme pour le phénix, chez lequel il y a d'ailleurs renaissance mais pas sublimation vers un état divinisé. Sacrifice d'un certain lyrisme pour accéder à une Poésie sacrée.
La première partie est un poème composé de cinq quintiles d'octosyllabes, où le poète jette au feu "Ce Passé ces têtes de morts" et lui-même : passés composés, "Dieu de ma jeunesse", son "âme au soleil se dévêt". La troisième partie est marquée par une certaine régularité dans le vers long, souvent alexandrins ou approximativement. Le poète y contemple "pour toujours" le "spectacle" dans un théâtre céleste "bâti avec le feu solide" ; il est devenu un pentacle enflammé. La partie centrale est au présent (sauf le v.10 qui renvoie au passé) : le poète est en pleine combustion. 3 strophes (sizain, septain et tercet), une certaine irrégularité qui contraste avec la partie précédente (le passé à brûler, c'est aussi une tradition régulière à détruire ?) (...)
[...] - Les croyants renvoient à l'idée de culte adorable et de communion en un sacrifice, ici celui du poète et d'une certaine poésie. Présence de l'autre, toujours pris en compte dans l'esthétique d'Apollinaire : un renouvellement humaniste Ces croyants sont les hommes pour qui le poète est bon à brûler comme un hérétique, mais le supplice cesse d'être subi ici pour être consenti. - Se profile aussi l'image du sacrifice d'Orphée (déchiré par les Bacchantes) ou de Dionysos (par les Titans) cf. [...]
[...] Allitération en qui scande l'opposition claire. un quatrain au sein du septain, qui résume le rapport d'Apollinaire à la tradition poétique et l'attitude nouvelle qu'il adopte ; par un glissement d'images subtiles, mystérieuses, il associe l'amour des femmes à l'amour de la poésie (une brûlure), puis l'association flamme- femme-serpent-ver(s), le conduit à la seule poésie, à faire un bilan de son origine et de ce qu'il fait de cet héritage : il n'est plus dans la vénération, mais dans l'acceptation de sa condition, et dans la revendication de sa singularité, qui est principe de sa nouveauté. [...]
[...] - Le vers par sa structure de à est l'explicitation du précédent ; il signifie : depuis jusqu'au. La race des Tyndarides renvoie aux enfants de Tyndare (Castor, Pollux, et les filles), que Zeus, transformé en cygne, a en partie engendrés : le mythe est un temps éternel. Le vers signifie donc : combien les races ont dégénéré depuis que l'immortel Zeus les a engendrées avec Léda, jusqu'aux femmes que j'ai aimées, ou bien aux poésies que j'ai aimées ? [...]
[...] Moi se trouve placé en fin de vers. Les craintifs sont ceux qui ne se sacrifient pas à la vraie poésie, qui ont peur d'avoir mal, de se trouver consumé par l'expérience, et par exemple les croyants qui pensaient tuer le poète en le jetant au feu ; ce feu n'était pas la mort, objet de crainte, mais la vie renouvelée Ce qui naît là, c'est un lyrisme authentique, loin des belles paroles et de la rhétorique, et ce qui s'affirme, c'est une poésie de vie et non de discours. [...]
[...] vers suivants) : indépendance par rapport aux autres martyrs de la poésie. - décasyllabe régulier avec écho du son : avec les deux vers précédents, celui-ci insiste sur l'aspect physique, concret donc, du sacrifice ; il ne s'agit pas d'idée abstraite, mais vécue au plus près du corps qui veut brûler, ce que dit aussi la répétition du mot brasier La poésie est vécue comme sacrifice personnel Je suffis pour l'éternité à entretenir le feu de mes délices - revendication et un certain orgueil du poète, avec la 1ère sing et le verbe suffire la longueur même du vers (dix-neuf syllabes) disant à la fois l'autosuffisance et l'éternité du sacrifice. [...]
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