C'est dans son chapitre "Espace et figuralité" de son oeuvre La Parole singulière, consacrée à l'analyse et à la théorisation des figures qui construisent la parole littéraire, que Laurent Jenny explique comment, selon lui, le figural est le fondement du discours poétique, non pas en tant que suite de mots, mais en tant qu'ensemble sémantique. Il s'agira donc ici d'étudier cette hypothèse à travers l'exemple d'un poème de Victor Hugo, Rêverie issu de son recueil Les Orientales, et plus particulièrement la dernière strophe de ce texte (...)
[...] Effectivement, le terme génies présent dans l'extrait apparaît comme une superposition de génie au sens de faculté supérieure, ici de création poétique, et de génie au sens oriental, c'est-à-dire djinn ou être divin. Pareillement, le mot chansons est ici représenté à travers la comparaison comme un ciel d'automne rembrunies Ces termes sont donc développés dans le texte selon plusieurs niveaux de lecture : il y a leur sens premier ou sens propre, et leur sens figuré, né de la construction syntaxique de la phrase. La linéarité du texte s'efface donc totalement sous les différents renvois de sens et échos entre les termes. [...]
[...] De même, leur caractère apersonnel et atemporel les apparente aux participes passés et présents de l'extrait : rembrunies s'éteignant étouffées Autrement dit, on pourraît comprendre ce poème en étudiant les champs lexicaux et sémantiques formés par les différents verbes, familles de mots, ou en remarquant comment leur nature permet de les rapprocher et d'en ressortir un autre niveau de significations qui n'est plus linéaire. Ces termes peuvent aussi entrer en corrélation par leurs liens phonétiques que ce soit à travers les rimes ou tout simplement leurs phonèmes communs. On remarque ainsi des assonances en reflet palais fées violet . en chanson rembrunies longtemps . [...]
[...] En effet, la première partie du poème se développe autour de l'image du couché de soleil, alors que la seconde s'écrit autour du levé du jour. Toutes deux liées par leurs thèmes complémentaires, la mort et la renaissance, leurs couleurs communes, elles semblent construire une unité littéraire autour du regard du poète. La troisième strophe, quant à elle, paraît davantage transcrire l'intériorité de l'auteur qui y apparaît par l'emploi de la première personne Mes chansons Le poème en lui-même est donc construit selon plusieurs niveaux de lecture : le poème en tant que texte lu par un lecteur, le poème en tant que regard sur le monde, le poème en tant que rêve intérieur au poète comme en témoigne toute la thématique onirique qui y est développée. [...]
[...] Chaque terme semble donc entrer dans un système sémantique complexe qui fait de la parole de l'auteur une parole singulière, personnelle, tout en étant une parole symbole d'universalité par son côté littéraire, en tant qu'oeuvre écrite pour un lectorat multiple, plurivoque. Le poème apparaît donc comme un plan d'images et de figures littéraires qui se croisent pour former un espace de significations. La thèse de Laurent Jenny semble donc se justifier et s'illustrer à travers ce nouvel exemple qu'est ce poème de Victor Hugo. [...]
[...] Tout d'abord, la lecture de cet extrait paraît soumise à une logique linéaire puisque l'on comprend le sens de la phrase au fur et à mesure de son déchiffrement. Mais Laurent Jenny cherche à montrer que justement, au sein du texte, se créent des rapports entre les différents termes formant ainsi un espace littéraire figural, c'est-à-dire, une spatialité pluri- dimensionnelle propre au poème : plusieurs significations en ressortent selon le point de vue que l'on y porte. Ainsi, il semble possible de remarquer que dans ce texte la plupart des termes entrent en écho, s'articulant de ce fait comme un ensemble sémantique particulier. [...]
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