Dans son poème Les larmes se ressemblent, qui s'ancre dans une réalité historique, Aragon fait une comparaison de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Il évoque ses propres souvenirs, puisqu'il a participé activement aux deux guerres.
Selon quelles modalités Aragon se sert-il de ses souvenirs pour dénoncer l'horreur de la guerre et comparer les souffrances causées par celle-ci ?
C'est dans cette optique que nous verrons tout d'abord comment Aragon compare les deux guerres en assimilant la souffrance des Français à celle des Allemands, à travers un poème construit sans unité chronologique. Puis, nous étudierons la place que prennent les souvenirs du poète et la dénonciation qu'il fait de la guerre. Enfin, nous verrons en quoi ce poème fait référence à Apollinaire en utilisant le mythe de la Lorelei et en imitant la poésie apollinarienne (...)
[...] La situation des allemands ressemble à celle des résistants français d'où le titre comparant les larmes des deux vaincus. En effet, Aragon compare la première et la seconde guerre mondiale, mais plus précisément les deux défaites et les deux vaincus : les héros de la première guerre mondiale deviennent les victimes de la seconde et réciproquement. Les Français et les Allemands ont tout deux connu la défaite et leur souffrance en tant que vaincus se ressemble : Quand il te faut la voix des faux prophètes / Pour redonner vie à l'espoir perdu (vers 15 et 16). [...]
[...] Il s'agit donc pour Aragon d'un mythe au sens commun mais également d'une mythologie personnelle. Il s'approprie cette figure mythique dans laquelle il synthétise sa vision de l'amour. On pourrait également dire qu'il reporte sur la Lorelei son propre rêve de résistance, puisqu'elle a elle- même résisté à l'évêque qui a tenté de l'enfermer dans un monastère. C'est pourquoi cette créature est un personnage qui cristallise un désir et son imaginaire. Par le mythe, le récit prend le sa valeur allégorique et politique. [...]
[...] Aragon observe le monde actuel, celui de 1940, conscient de la condition moderne mais réinventant aussi la poésie en suivant les traces d'Apollinaire. Aragon ancre son poème dans une réalité historique en faisant part de ses souvenirs de guerre et en dénonçant l'atrocité de celle-ci. Le poète compare les deux guerres mondiales mais aussi la souffrance des allemands et des français. Si la guerre fut horrible pour son peuple, elle l'a été autant pour leur adversaire. Il efface les différences qui ont pu les opposer et les rassemblent au sein d'une peine commune. [...]
[...] De plus, la Lorelei est un personnage légendaire germanique. On peut donc penser qu'elle représente son peuple et les larmes qu'il a versé. À l'origine, la Lorelei a été conçue pour symboliser l'amour passionnel dans la littérature : dans une ballade (Zu Bacharach am Rheine 1801) du poète rhénan Clemens Brentano. Sous les traits de la Lorelei, Aragon fait encore une fois allusion à l'amour, qui selon lui est l'ultime élément salvateur. Cependant, même la fée du Rhin, figure amoureuse, pleure, symbolisant ainsi l'amour mis à mal par la guerre. [...]
[...] Il semblerait qu'Aragon, en montrant que Les larmes se ressemblent, attend également de ses concitoyens qu'elles s'assemblent. Il s'agit d'une construction en parallèle de deux situations éloignées dans le temps puisque la première fait miroir à la seconde. En effet, les deux guerres n'appartiennent pas à la même période, pourtant Aragon les places sur un même plan sans soucis d'unité chronologique. La séparation entre le passé et le présent paraît impossible. Aragon concède lui-même qu'il ne sait où commence le présent et où finit le passé : Qui peut dire où la mémoire commence / Qui peut dire où le temps présent finit (vers 21 et 22). [...]
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