Littérature, Ronsard, poésie, Des larmes de ma maîtresse, souffrance féminine, amour, sentiments
Laissé de côté par Ronsard lui-même et par la critique, le sonnet « Des larmes de ma maîtresse » est probablement écrit, comme l'a montré Paul Laumonier, pour Louis de Bourbon, prince de Condé, revenu en faveur à la Cour. Ronsard, une fois encore, lui prête sa plume : en l'occurrence, il entend adoucir quelque peu la peine que, dans son inconstance amoureuse, il a déclenchée chez Isabeau de Limeuil, sa maîtresse, enceinte de lui depuis six mois (1564). Le poète prête donc son éthos au prince protestant, rentré en grâce à la Cour, depuis mars 1563, mais on peut oublier la circonstance qui a entraîné sa rédaction. Cette dimension biographique n'est pas la plus importante. Ce sonnet présente un double intérêt. Alors que, dans nombre de recueils, les larmes sont le fait du poète, ici, elles émanent des yeux de la dame. Ensuite, cette attention portée aux pleurs, permet de définir une manière de Ronsard.
[...] Ensuite, cette attention portée aux pleurs, permet de définir une manière de Ronsard. Ce sonnet régulier, écrit en décasyllabes, présente une disposition alternée attendue des rimes féminines et masculines : ABB, ABBA (embrassées, donc) pour les quatrains, CCD EED pour les tercets (en partie suivies). Les quatrains présentent la peine d'Isabeau et l'effet sur le poète, les tercets contiennent deux apostrophes aux larmes. Comme dans les quatrains, l'attention se porte d'abord sur la dame, puis sur l'amant. * I ~ ISABELLE PLEURE, L'AMANT SE MEURT CUPIDON SE BAIGNE DANS LES LARMES D'ISABEAU Nombre de poèmes de Ronsard commencent par une subordonnée de temps (« Quand »). [...]
[...] L'adjectif « belle » indique l'effet produit par le « cristal » dont le caractère est souligné par la couleur non plus d'une pierre précieuse, mais d'un métal tout aussi précieux. Après la couleur, qui sera aussi précisée (« clair »), c'est la forme qui est évoquée, au vers 10 : par une sorte d'attirance naturelle, le rond attire le rond. Le lecteur se demandait pourquoi les larmes descendaient aussi bas sur le corps de la femme, la réponse est ici donnée. Le « tetin » a la même forme qu'elle. [...]
[...] Dans cette perspective, la femme aurait été à la fois la cause et le remède du mal amoureux. * Les larmes évoquées dans ce poème ne suscitent en rien le pathétique. La grâce des vers, l'accent mis sur le détail, les trouvailles quand il s'agit d'utiliser la mythologie relèvent du jeu littéraire. Ronsard reprend la tradition pétrarquiste de l'amant malheureux et de la froideur féminine, avec cependant une nouveauté, celle des larmes féminines qui lui permettent de donner un bel exemple de style « mignard ». [...]
[...] Un élément de surprise est apporté par le complément circonstanciel de lieu « au sein » : on s'attend à ce que les larmes coulent sur les joues d'Isabeau. Ce sein constitue une synecdoque de la femme aimée. La mort qui le saisit à sa vue est bien sûr une hyperbole utilisée pour dire l'intensité du sentiment éprouvé. On la retrouve dans un autre sonnet relatif à Isabeau de Limeuil, qui prendra place dans le Premier Livre des Amours : « Je meurs, Paschal, quand je la vois si belle, » (vers 1). La rime batelée « [ . [...]
[...] Seule la vue est autorisée. En effet, « humer » a le sens d'« avaler en inspirant ». Le toucher et le goût sont ici interdits. La femme est distante, c'est le type de « la belle dame sans merci », comme l'indique le substantif « froideur » (vers 13). À cette froideur s'oppose, de façon attendue, le feu de la passion masculine. Le poète connaît une flamme qui le brûle (« ard ») son « cœur » (vers 14). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture