Lancelot, avec ses deux compagnons les fils du vavasseur, arrive au pont de l'épée, dernière épreuve décisive du royaume de Logres avant d'accéder au royaume de Gorre où est retenue Guenièvre. Tous trois parviennent devant le pont, qui effraie les compagnons. Ceux-ci tentent de retenir Lancelot, mais en vain. Le chevalier s'engage alors sur le pont et accomplit la traversée avec succès.
La traversée du pont correspond à un moment charnière de l'œuvre et de la quête de Lancelot. Ainsi, dans quelle mesure peut-on dire que le récit du Pont de l'Epée repose sur une dialectique du passage ?
Nous verrons en quoi il s'agit d'un passage spatial, temporel et symbolique, avant de voir en quoi c'est aussi un passage générique, pour enfin aborder notre extrait sous l'angle du passage métaphysique.
[...] La coutume est donc profondément liée à l'« aventure v.3088, la provoque, en proposant un défi au héros qui va et instaurer un temps nouveau. En effet, une fois la coutume levée, les gens de Logres peuvent circuler librement. Le caractère immuable de la coutume est rendu par la métaphore hyperbolique des v à 3067 qui intègre la coutume du pont de l'épée au cours naturel de la vie, et la rapproche d'éléments non seulement essentiels, évidents mais fixes, éternels, intemporels: le vent : les vanz le chant des oiseaux oisiax la mer v.3059, la vie v.3056-3057. [...]
[...] Enfin, les vers 3131-3132 De ce qu'ainsi passé le voient / Font tel joie com il devoient renvoient aux angoisses qu'éprouvaient les compagnons quelques minutes auparavant, tandis qu'ils laissent à présent éclater leur joie. Le récit, au moment de la traversée du pont, prend un nouveau tournant, tournant signifié par un jeu de mots de l'auteur avec l'apparition de la tour de Bademagu. On entre dans un récit où la quête de la reine est amoureuse et non plus épique, et où la tension dramatique commence à s'installer dès cet épisode. [...]
[...] Mais le paradoxe ne se limite pas au personnage de Lancelot, en effet, nous pouvons dire, grâce à ce passage du Pont de l'Epée l'œuvre entière de Chrétien de Troyes est une œuvre du paradoxe, ce qui nous est montré ici par la symbolique des nombres. En effet, ce passage est rythmé par d'un côté un rythme binaire : vers coupés à l'hémistiche co les vers 3010 : noire et bruiant, roide et espesse vers 3015 : s'ele i cheoit, ne fust alee par exemple, et le chiffre deux est clairement énoncé aux vers 3025 : 2 lances vers 3032 : les 2 chevaliers vers 3035 : dui lyon or le chiffre 2 doit nettement être interprété comme le chiffre charnel par excellence, et de l'autre par un rythme tertiaire, différents vers sont en effet coupés en 3 : vers 3112 : mains et genolz et piez se blece repris vers 3116 : a mains, a piez et a genolz vers 3038 : l'eve et li ponz et li lyon mais trois présent ici également à travers les 3 protagonistes de la scène : Lancelot, et ses deux compagnons à comprendre ici comme le chiffre même du religieux le chiffre de la trinité, de la perfection, de la sainteté. [...]
[...] Or Lancelot est bel et bien vivant et la mort se situe au-delà du pont et sous le pont avec l'image de l'eau infernale et des lions, mort par engloutissement comme le montre la tournure hypothétique du v.3015 s'ele i cheoit, ne fust alee ou par dévoration comme le montre les v. 3063-3064-3065 marqués par l'énumération et la gradation mais aussi le v au présent gnomique qui pose comme une évidence la mort prochaine de Lancelot. Cependant ce motif n'est pas tout à fait absent du passage dans la mesure où Lancelot va passer par une mort symbolique stigmatisée par les plaies et le sang perdu. [...]
[...] ou encore du vers 3075 au vers 3077. - plateau avec danger paroxystique : Puis, du vers 3060 au vers 3117, il y a la phase de plateau où le danger est représenté de façon paroxystique. Le vers 3076 avec peril de mort montre le risque couru par Lancelot, à savoir une mort par écartèlement et démembrement, suggérée par les figures de l'emphase et de l'hyperbole, dans les verbes tuent sucent manjucent rungent occiront et les adjectifs ronpuz arachiez Du vers 3068 au vers 3077, une hypothèse est posée avec se vers 3068, le subjonctif ce sachiez vers 3069, le conditionnel avront vers 3071 et le superlatif molt tost vers 3070, créant une impression de danger imminent et inéluctable. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture