La lettre CXXV ouvre la quatrième partie du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses. L'expéditeur est Valmont, la destinataire est la marquise de Merteuil. La structure de cette missive se compose de deux parties principales : d'abord, l'annonce de la victoire, ensuite le très long récit de la manière dont Valmont a réussi à vaincre les réticences de la Présidente. Ainsi, puisque le contrat est rempli : il a réussi à séduire Mme de Tourvel, Valmont annonce d'une manière triomphale son succès à sa complice (...)
[...] Il est indéniable que la lettre CXXV qui, au premier abord explicite un discours informatif triomphant, suggère davantage. Elle contient l'aveu implicite de l'attirance réelle de Valmont pour la Présidente. La marquise, destinataire de la missive, ne peut que percevoir un échec. La lettre révèle ici un paradoxe : l'expéditeur émet un message positif alors que le destinataire va le recevoir comme négatif. C'est un phénomène tout à fait spécifique à la correspondance, qui est le problème de la révélation et de l'interprétation à distance. [...]
[...] Le présentatif voilà et l'emploi de donc soulignent à la fois la volonté de faire savoir la victoire et de faire reconnaître le temps et les efforts déployés pour y parvenir. La tonalité exclamative fait de la phrase un communiqué de triomphe après un combat mené de haute lutte. La fierté se manifeste à travers la comparaison faite entre les autres conquêtes de Valmont et celle de Mme de Tourvel. Le parallélisme est répété à deux reprises : Dans la foule des femmes . [...]
[...] C'est exactement ce qui se passe dans le début de cette lettre, comme le percevra à juste titre la destinataire : elle le dira dans la lettre 134. La lettre a pour objectif d'informer Mme de Merteuil que le terme essentiel du contrat a été rempli et ce message occupe les deux premières lignes, sous une forme insistante : la même idée est exprimée quatre fois : La voilà donc vaincue elle est à moi entièrement à moi elle n'a plus rien à m'accorder Le message explicite comporte aussi la présentation de ce qui a rendu la victoire difficile : Ici, au contraire . [...]
[...] On peut se demander pourquoi Valmont s'étend aussi longtemps sur ce trouble qui le tiraille. Cette analyse lui permet certes de voir clair en lui, mais en même temps il fait revivre des moments agréables sous le prétexte de les raconter. L'emploi du conditionnel, celui des adverbes d'atténuation, d'opposition, de déduction, une négation forte, cependant même donc Non tout cela suggère un état d'incertitude, une manière de ressasser les mêmes préoccupations dans le but de se persuader qu'il n'est point troublé. Valmont cherche surtout à se déculpabiliser d'être ainsi ému et touché. [...]
[...] En laissant apparaître ses sentiments pour la Présidente, il peut provoquer la jalousie ou la colère de la marquise, ce qui peut devenir un véritable casus belli entre les deux complices. Si Valmont devient sincèrement amoureux de Mme de Tourvel, la récompense promise par la marquise - redevenir sa maîtresse - n'a peut-être plus le même prix. Il y a encore là un risque de rupture non seulement de la liaison affective qui existe entre eux, mais du pacte de complicité qui les lie. [...]
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