La Rochefoucauld a rédigé son portrait pour un jeu de salon tenu chez Mlle de Montpensier et nous rappelle qu'à cette époque la littérature de l'intime est une activité superficielle et mondaine. L'auteur du Recueil des Portraits et éloges dont cet autoportrait est extrait, tente de réhabiliter l'écriture du moi. Dans ce premier paragraphe du Portrait de La Rochefoucauld fait par lui-même, l'auteur présente un portrait canonique. Il se décrit en respectant les codes littéraires. Il guide le lecteur en lui promettant d'être sincère. L'autoportrait se révèle dans son ambiguïté : le projet d'être sincère alors que s'écrire soi-même, se décrire est une entreprise littéraire subjective. L'autoportrait de La Rochefoucauld s'inscrit donc dans une tradition littéraire : être fidèle, au modèle mais ce n'est qu'un reflet de la réalité que nous livre l'auteur. Le vraisemblable n'est pas le vrai (...)
[...] Le présent je suis tout ce que je sais je ne manque fait entendre la voix de La Rochefoucauld au moment où il raconte. Comme pour mieux capter l'attention du lecteur, il est celui qui écrit, celui qui observe, celui qui dit l'indicible: ce que nous sommes vraiment. Un pacte avec le lecteur: la captatio benevolentiae, la mise en abyme du locuteur: C'est en cela que La Rochefoucauld s'engage. Cet autoportrait c'est avant tout et surtout un engagement personnel. Il s'implique, contrôle. [...]
[...] La présence du locuteur est visible aussi par l'utilisation du pronom personnel je que par chacun ces termes utilisés. Il choisit le sujet, les mots pour l'aborder. Tout dépend de lui. A tel point que lorsqu'il fait référence à l'avis des autres : on m'a dit autrefois cela fait croire à la plupart des gens soit il ne répond pas, soit il rétorque quoique je ne le suis point du tout L'autoportrait vacille entre la volonté d'être sincère et l'incapacité d'assumer ce pacte avec le lecteur. [...]
[...] L'autoportrait de La Rochefoucauld a une fonction référentielle. Il permet au lecteur de se forger une idée du personnage, de le visualiser en le rendant vraisemblable, mais le vraisemblable n'est pas le vrai. II) le vraisemblable n'est pas le vrai : l'autoportrait est une entreprise littéraire paradoxale : Les imprécisions laissent place au doute : Il n'est pas le vrai car les imprécisions laissent place au doute. Pour décrire certaines parties de son corps, La Rochefoucauld commence par dire ce qu'elles ne sont pas. [...]
[...] Elles ne sont ni bien ni mal taillées Soit La Rochefoucauld ne peut juger la qualité, la forme de ses lèvres car il ne le sait pas lui-même, soit il veut tout simplement montrer au lecteur que ses lèvres sont taillées normalement. La normalité ne lui permet pas de distinguer une particularité, une originalité. Il en est de même pour le tour du visage ou carré ou ovale dont la conjonction ou indique une alternative entre les deux. Pour réaliser son portrait, La Rochefoucauld indique une préférence, le nez est plutôt grand que petit Le lecteur peut dessiner le visage mais avec des zones d'ombre, des imperfections créées par un manque de précisions. [...]
[...] Le lecteur a un plan général du visage ensuite un plan rapproché la bouche les lèvres les dents et pour finir le menton Pour la description de l'âme, la personnalité est toujours étroitement liée au physique j'ai quelque chose de chagrin et de fier dans la mine j'ai l'action fort aisée jusqu'à faire beaucoup de gestes en parlant La personnalité est décrite par une manifestation physique. L'apparence et la personnalité, le physique et l'âme ne peuvent être dissociés. Il associe le dehors au dedans : ce qui constitue l'être humain. Au moment même où il s'observe, je viens de me tâter et de me regarder il écrit. [...]
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