La peste, terrifiante et absurde épidémie venue de nulle part, plonge la ville dans la douleur et oblige les habitants à l'exil ou à la claustration. La cité demeure alors isolée pendant presque une année, hors du monde. Confronté à l'épidémie, le personnage central du roman, le docteur Rieux, est impuissant.
Dans cet extrait, Tarrou, ami et soutien du docteur, est à son tour emporté par la maladie, alors même que le fléau disparaît enfin.
I- Le thème de la mort
Le texte est dominé par la représentation de la mort. De fait, le docteur Rieux assiste à la mort de son ami Tarrou, emporté par l'épidémie de peste qui semble pourtant reculer à Oran.
a- Une description clinique
Dans un premier temps, plus que l'ami, c'est le praticien qui constate la gravité de l'état de Tarrou : il tente d'abord de faire taire ses sentiments pour formuler un diagnostic clair et prendre les mesures adéquates (jugea, ligne 4). Dès le début, la gravité du constat, et par là même de la progression de la maladie, est alors mise en valeur par les termes sévères du registre réaliste utilisé par Camus : fièvre (ligne 1), toux viscérale (ligne 1), cracher du sang (ligne 2), ganglions (ligne 2)...
La description commence alors que la maladie semble avoir déjà condamné Tarrou (La fièvre était à son sommet, ligne 1). Cependant, la mort n'étant pas rapide, le praticien est amené à constater les progrès de la peste par :
- la pâleur grandissante (sa face dévastée se fit plus pâle à chaque fois, lignes 6-7) (...)
[...] Publié en 1947, La Peste est un roman qui lui permet de remporter le prix Nobel de littérature en 1957. Il est bâti comme une tragédie en cinq actes, cinq grandes unités narratives qui se prêtent elles- mêmes à un découpage qui suit la progression dramatique de la maladie. Une brève ouverture situe l'action en avril dans les années 40, à Oran durant la période de l'Algérie française, une ville laide, sans âme, une cité moderne et ordinaire La peste, terrifiante et absurde épidémie venue de nulle part, plonge la ville dans la douleur et oblige les habitants à l'exil ou à la claustration. [...]
[...] Ainsi, ajoutée à celle des autres victimes de l'épidémie, Camus lui donne un caractère militaire, image particulièrement signifiante en 1947, lors de la publication du roman, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (la lutte, ligne 18 ; retranchée, ligne 19 ; ce corps mort, ligne 19 ; l'attaque, ligne 21 ; mourir, ligne 22 ; les combats, ligne 24 ; la défaite, ligne 24 ; la ville libérée, ligne 26 ; défaite, ligne 27 et armistice, ligne 30). Le rythme des phrases souligne le champ lexical de la guerre. Ainsi, après une longue introduction (C'était pourtant la même pause, le même intervalle solennel, toujours le même apaisement qui suivait les combats, c'était le silence de la défaite, lignes 22 à Camus attire l'attention du lecteur sur le mot combats qui trouve en écho le dernier mot de la proposition principale : défaite. De même, l'allitération en dentales souligne avec force l'expression défaite définitive (ligne 27). [...]
[...] Mais, au-delà du sentiment de perte éprouvé par Rieux, ce qui domine en lui est le sentiment d'échec. II- Le sentiment d'échec de Rieux La mort de Tarrou est d'autant plus douloureuse pour Rieux qu'il est médecin et qu'on aurait pu espérer qu'il le sauve. L'impuissance Rieux est impuissant : il ne peut rien faire, ni pour sauver son ami, ni pour atténuer ses souffrances. Il l'est tout autant qu'il l'a été durant l'épidémie qui a dévasté la ville d'Oran. [...]
[...] Lorsque le fléau disparaît enfin, il fait une dernière victime en la personne de Tarrou, l'ami du médecin Rieux, le héros du roman. À midi, la fièvre était à son sommet. Une sorte de toux viscérale secouait le corps du malade qui commença seulement à cracher du sang. Les ganglions avaient cessé d'enfler. Ils étaient toujours là, durs comme des écrous, vissés dans le creux des articulations, et Rieux jugea impossible de les ouvrir. Dans les intervalles de la fièvre et 5 de la toux, Tarrou de loin en loin regardait entre ses amis. [...]
[...] Au- delà de la représentation clinique de la mort, le regard empathique de Rieux donne au texte une dimension lyrique qui permet au lecteur de partager les sentiments du personnage. Victime impuissante et consciente de l'absurde, le médecin apparaît davantage comme un anti-héros que comme un héros. [...]
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