Ce roman développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine, dont l'oeuvre représentative reste L'Étranger (1942), et la révolte, comme réponse à l'absurde, mouvement de pensée qui donne à l'action son sens et ses limites, la nature humaine, et a pour conséquence la naissance de « la joie étrange qui aide à vivre et à mourir ».
Cet incipit présente une conception somme toute classique, dans le sens où, à l'instar d'une scène d'exposition, il est destiné à livrer toutes les informations nécessaires à l'analyse et à la compréhension de la suite du roman (temps, lieu, personnages et action).
I- La ville d'Oran
Oran, surnommée « la radieuse », est une ville portuaire d'Algérie que Camus connaît parfaitement bien mais qu'il n'apprécie absolument pas, se positionnant là à l'opposé du surnom. En 1939, il en écrit : « Tout le mauvais goût de l'Europe et de l'Orient s'y est donné rendez-vous ». Tout naturellement, son sentiment transparaît nettement dans la description de cette ouverture.
a- Une ville « laide »
Le narrateur (dont le lecteur ignore l'identité mais qui la découvrira à la fin du roman : il s'agit du docteur Rieux, rédacteur d'une chronique pendant l'évolution dramatique du fléau) présente d'emblée la ville comme laide (ligne 5). Très dépréciateur, cet adjectif qualificatif donne le ton d'une description péjorative d'un lieu sombre et lugubre, qui ne fait qu'annoncer un drame à venir. La suite du texte confirme parfaitement cette approche :
- les anaphores de la préposition "sans" et de l'adverbe de négation "ni" marquent l'absence et la privation : sans pigeons, sans arbres et sans jardins (lignes 7-8), ni battements d'ailes, ni froissements de feuilles (lignes 8-9)
- ville commerçante et affairiste (Nos concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s'enrichir, lignes 19-20 ; ils s'occupent d'abord, selon leur expression, de faires des affaires, ligne 21 ; essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d'argent, lignes 24-25), il ne semble pas y avoir de place pour l'inutile (...)
[...] Ces deux lexiques sont du reste largement présents : on s'y ennuie (ligne habitudes (ligne à heure fixe (ligne se promènent sur le même boulevard (ligne se mettent à leurs balcons (ligne 26). Si c'est une habitude typiquement méditerranéenne que de profiter de la fraîcheur vespérale, Camus insiste ici sur son caractère routinier. Au demeurant, la vie des Oranais semble bien remplie (du même air frénétique et absent, lignes 18-19). Mais, en réalité, elle est ennuyeuse, routinière et monotone. Des habitants cupides L'appât du gain est l'occupation principale des Oranais. [...]
[...] Les désirs de plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l'on joue gros jeu sur le hasard des cartes. [ ] Albert Camus, La Peste, première partie (Incipit) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Albert Camus (1913-1960) est un écrivain majeur de la première moitié du XXème siècle. Publié en 1947, La Peste est un roman qui lui permet de remporter le prix Nobel de littérature en 1957. [...]
[...] Elle parcourt toute son œuvre et sa pensée, jusque dans les réflexions de La Peste. Ce roman développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine, dont l'œuvre représentative reste L'Étranger (1942), et la révolte, comme réponse à l'absurde, mouvement de pensée qui donne à l'action son sens et ses limites, la nature humaine, et a pour conséquence la naissance de la joie étrange qui aide à vivre et à mourir Cet incipit présente une conception somme toute classique, dans le sens où, à l'instar d'une scène d'exposition, il est destiné à livrer toutes les informations nécessaires à l'analyse et à la compréhension de la suite du roman (temps, lieu, personnages et action). [...]
[...] Du reste, le fléau qui va s'y abattre, la peste, sera inhumain, soulignant le caractère prophétique de cet incipit. Reposant sur le registre tragique, la noirceur de l'extrait laisse irrémédiablement présager d'un avenir tout aussi sombre. Une analyse critique Outre une ville inhumaine et dépourvue de poésie, Oran apparaît comme banale, tout à fait ordinaire (À première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu'une préfecture française de la côte algérienne, lignes 3-4 ; un lieu neutre pour tout dire, ligne en particulier ne possédant pas de monuments, et donc pas de traces d'un riche passé historique et culturel. [...]
[...] Ainsi, seul le climat laisse voir l'évolution des saisons, tellement le cours de la vie à Oran est monochrome. Néanmoins, ce climat s'individualise avant tout par ses excès : si la vie y est sans relief, le temps est particulièrement excessif, marqué par des changements brutaux et violents. Aucun point positif n'apparaît, signalant une présentation critique de la ville. Loin d'être accueillante, Oran repousse la vie. La suite va apprendre qu'elle tue même toute trace de vie, dans le sens où l'épidémie de peste y sévira. [...]
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