La chronique de l'épidémie, dont le lecteur ne saura qu'à la fin du roman que l'auteur n'est autre que le docteur Rieux, a rapporté jusqu'ici la lente évolution du fléau dramatique de la peste. Dans la quatrième partie, l'épidémie est à son paroxysme et la ville d'Oran, en quarantaine, est isolée du monde. Rieux a trouvé en Tarrou un ami et un organisateur efficace, un homme tout autant volontaire et révolté que lui pour combattre la maladie, afin de retrouver la paix intérieure. Dans cet extrait, le lecteur assiste à la mort d'un enfant, d'autant plus difficile à supporter, pour les protagonistes et les lecteurs, que c'est un innocent. Il s'agit du fils du juge d'instruction, que les parents ne peuvent pas veiller puisqu'ils suivent la quarantaine, et qui symbolise ainsi les martyrs frappés injustement par le Mal.
I- Une scène dominée par l'émotion
a- Un lieu paradoxal
Cette scène se déroule dans une salle de classe, convertie pour l'occasion en hôpital. Symbolisant habituellement la vie, la jeunesse et ses corollaires l'instruction et la vie, le lieu est ici paradoxal, puisqu'il est marqué par la souffrance, les cris d'agonie et la mort. Il ne peut qu'émouvoir profondément le lecteur, avec :
- la violence des éléments décrivant le lieu : la lumière passait du rose au
jaune (ligne 1), une matinée de chaleur (ligne 2), crépiter (ligne 2). Le lieu semble alors totalement dépourvu d'humanité.
- un narrateur omniscient qui a recours à un riche vocabulaire se rapportant
aux sens et dénotant la souffrance qui envahit le lieu : C'était à peine si on entendit (ligne 2), Les mains (...) remontèrent, grattèrent la couverture (lignes 4-5), cri (lignes 9, 14, 19 et 26), protestation (ligne 10), l'entendre dire d'une voix (ligne 15), plainte (lignes 15, 19 et 27), crier (ligne 17), les exclamations (ligne 18), gémissaient de plus en plus fort (ligne 20), Une marée de sanglots (ligne 20), ferma les yeux (ligne 21)... Ce champ lexical des perceptions sensorielles rend compte de la souffrance, physique endurée par les lépreux et morale de ceux qui assistent à la scène (notamment Rieux). Du reste, la métaphore Une marée de sanglots suggère bien que l'infirmerie de fortune est « inondée » de souffrance.
- la lutte (ligne 27) des malades contre la mort. (...)
[...] Dans la quatrième partie, l'épidémie est à son paroxysme et la ville d'Oran, en quarantaine, est isolée du monde. Rieux a trouvé en Tarrou un ami et un organisateur efficace, un homme tout autant volontaire et révolté que lui pour combattre la maladie, afin de retrouver la paix intérieure. Dans cet extrait, le lecteur assiste à la mort d'un enfant, d'autant plus difficile à supporter, pour les protagonistes et les lecteurs, que c'est un innocent. Il s'agit du fils du juge d'instruction, que les parents ne peuvent pas veiller puisqu'ils suivent la quarantaine, et qui symbolise ainsi les martyrs frappés injustement par le Mal. [...]
[...] Au total, cet enfant apparaît comme le symbole de la douleur et de l'injustice vécue et endurée par les Oranais. Dans l'imaginaire collectif, la mort d'un enfant touche davantage que celle d'un adulte, comme le rappelle, un peu plus loin dans le chapitre, le père Paneloux lors d'une prêche à ses paroissiens : Et en vérité, il n'y avait rien sur la terre de plus important que la souffrance d'un enfant Elle a toujours constitué une objection pour les adversaires de la foi en la Providence. [...]
[...] Conclusion Incontestable moment émotionnel le plus prégnant de l'œuvre, la description pathétique de l'agonie du fils Othon rappelle toute l'horreur de la peste. Contée avec beaucoup de simplicité, ce qui ne fait qu'en accroître l'horreur, l'enfant devient alors le symbole de l'innocence martyrisée. Les semaines qui suivront cet apogée vont permettre d'assister à la décroissance de l'épidémie. Ce Mal, aussi bien physique que moral, peut très bien être lu comme une allégorie de l'époque de Camus, avec le nazisme qui venait d'être défait en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. [...]
[...] [ ] Albert Camus, La Peste, quatrième partie (La mort du fils Othon) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Albert Camus (1913-1960) est un écrivain majeur de la première moitié du XXème siècle. Publié en 1947, La Peste est un roman qui lui permet de remporter le prix Nobel de littérature en 1957. Il est bâti comme une tragédie en cinq actes, cinq grandes unités narratives qui se prêtent elles- mêmes à un découpage qui suit la progression dramatique de la maladie. Une brève ouverture situe l'action en avril dans les années 40, à Oran durant la période de l'Algérie française, une ville laide, sans âme, une cité moderne et ordinaire La peste, terrifiante et absurde épidémie venue de nulle part, plonge la ville dans la douleur et oblige les habitants à l'exil ou à la claustration. [...]
[...] Derrière la vitre, une matinée de chaleur commençait à crépiter. C'était à peine si on entendit Grand partir en disant qu'il reviendrait. Tous attendaient. L'enfant, les yeux toujours fermés, semblait se calmer un peu. Les mains, devenues comme des griffes, labouraient 5 doucement les flancs du lit. Elles remontèrent, grattèrent la couverture près des genoux, et, soudain, l'enfant plia ses jambes, ramena ses cuisses près du ventre et s'immobilisa. Il ouvrit alors les yeux pour la première fois et regarda Rieux qui se trouvait devant lui. [...]
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