Dans cet extrait, le narrateur utilise les notes de Tarrou pour relater un épisode auquel il attache une importance particulière et qui « restitue à peu près l'atmosphère difficile de cette époque ». Cette scène se situe à l'Opéra municipal et sert de mise en abîme dans l'ensemble du roman. Même s'il reprend un schéma narratif fréquent dans les scènes romanesques, le lieu a ici une fonction particulière : les Oranais viennent y chercher l'oubli, au moins momentané, du fléau qui les accable. Ce soir-là, Tarrou et Cottard font partie du public et assistent à la représentation d'Orphée et Eurydice jouée depuis plusieurs mois, puisque les comédiens ne peuvent plus quitter la ville en quarantaine.
I- Un extrait satirique
a- Une critique décalée
Si cette scène est indéniablement humoristique, l'humour y est d'abord au service de la satire du spectacle et des spectateurs.
- Le spectacle
Tout d'abord, les décors sont inadaptés parce qu'anachroniques (au milieu des bergeries du décor qui n'avaient jamais cessé d'être anachroniques, lignes 14-15). Le jeu des acteurs est totalement décalé par rapport à celui qu'exigerait l'histoire tragique censée être représentée. Ainsi :
_ le narrateur évoque la facilité de la plainte et la grâce avec laquelle le
malheur est chanté (Orphée se plaignit avec facilité, quelques femmes en tunique commentèrent avec grâce son malheur, et l'amour fut chanté en ariettes, lignes 1-2). Ainsi, la mélodie de la voix et les costumes (quelques femmes en tunique) se substituent à la mention du choeur (...)
[...] Au-delà de ses dons d'écrivain, Camus a posé de multiples questions dans ses œuvres, directement inspirées de sa propre existence : pauvreté, maladie, soleil et, en 1939, la guerre. S'il n'y a pas pris une part active comme combattant, son métier de journaliste et son exode l'ont mis en contact avec cette situation qui n'a fait qu'accentuer ses prises de conscience fondamentales. Bien qu'apparenté à l'existentialisme, Camus s'en est assez nettement séparé pour attacher son nom à une doctrine personnelle, la philosophie de l'Absurde, dont il définit les grandes lignes dans son Mythe de Sisyphe, en 1942. [...]
[...] III- La portée symbolique Ce texte est particulièrement riche en significations. L'omniprésence du Mal En effet, pour oublier la triste morosité quotidienne du fléau infectieux qui frappait la ville, les Oranais ont cru pouvoir échapper au mal et se divertir en venant se plonger dans l'exutoire de l'illusion d'un spectacle. Mais l'oubli est impossible : même dans ce lieu sûr que semble constituer l'Opéra, la peste est présente et n'épargne personne, pas même ceux qui revêtent l'habit des héros antiques (et que le narrateur s'ingénie, de façon humoristique, à appeler Orphée, comme si c'était là l'identité du comédien qui incarne le rôle de l'amant d'Eurydice). [...]
[...] Le jeu des acteurs est totalement décalé par rapport à celui qu'exigerait l'histoire tragique censée être représentée. Ainsi : .le narrateur évoque la facilité de la plainte et la grâce avec laquelle le malheur est chanté (Orphée se plaignit avec facilité, quelques femmes en tunique commentèrent avec grâce son malheur, et l'amour fut chanté en ariettes, lignes 1-2). Ainsi, la mélodie de la voix et les costumes (quelques femmes en tunique) se substituent à la mention du chœur . les déplorations du chœur sont réduites à de simples commentaires et les chants de passion se métamorphosent en de simples ariettes (ligne 2). [...]
[...] Des manifestations de la philosophie de l'Absurde Plusieurs motifs présents dans cet extrait le sont aussi à plusieurs reprises dans le roman et constituent des manifestations de l'Absurde. - Le recommencement perpétuel Le spectacle d'Orphée se joue chaque vendredi depuis le printemps, car aucun des acteurs n'a le droit de quitter la ville en quarantaine depuis la fermeture des porteurs, justifiant notamment la fadeur de leur jeu. Ces perpétuelles représentations du même spectacle renvoient à tous les autres recommencements du livre : les tentatives de Rambert pour partir, les efforts des praticiens pour vaincre l'épidémie, les tentatives de Joseph Grand pour écrire Stériles, ils ne sont qu'une des formes de l'Absurde. [...]
[...] - dans les réactions du public .gestuelles La deuxième partie de l'extrait rend compte de leur progression : lentement à évacuer la salle (ligne peu à peu, le mouvement se précipita (ligne afflua vers les sorties (ligne 22) et pour finir par s'y bousculer en criant (lignes 22-23) . sonores Cette précipitation s'accompagne d'une progression de l'intensité sonore des manifestations vocales de la foule : le chuchotement (ligne 21) puis l'exclamation (ligne 22) et enfin les cris (en criant, ligne 23). [...]
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