Dans La Nouvelle rêvée d'Arthur Schnitzler, un jeune médecin viennois se retrouve, lors de pérégrinations nocturnes, dans une soirée masquée ; repéré comme un intrus il est chassé, sauvé par une des femmes voilées qui y participait.
Le lendemain il retourne sur les traces de cette nuit pour savoir ce qu'il est advenu de cette mystérieuse femme. Son enquête le mène jusqu'à la morgue où il se rend pour reconnaître le corps d'une certaine baronne Dubieski (...)
[...] Certes oui répliqua Adler sur un ton tranchant qu'il avait gardé du temps où il était dans une corporation d'étudiants. Et il ajouta su un ton plus léger : Que pourrait-on avoir d'autre à faire à minuit dans ce sanctuaire ? Mais bien entendu, tu ne me déranges pas le moins du monde. En quoi puis-je t'être utile ? Et comme Fridolin ne répondait pas tout de suite : Cet Addison, que vous nous avez livré aujourd'hui, repose en face, dans sa grâce virginale. [...]
[...] Le docteur Adler, qui était allé voir une autre table, dit Celle-ci a entre soixante et soixante-dix ans, il y a donc peu de chances pour que ce soit elle. Mais Fridolin, comme soudain aimanté, se dirigea vers l'autre bout de la salle, où il avait vu la pâle lueur d'un corps de femme. La tête était penchée sur le côté ; de longues mèches de cheveux foncés tombaient presque jusqu'au sol. Sans le vouloir, Fridolin tendit la main pour redresser la tête, mais pris d'une crainte qui n'était pas dans ses habitudes de médecin, il hésita de nouveau. [...]
[...] Le docteur Adler le suivit en silence et ferma à clef derrière eux. Fridolin s'approcha du lavabo. Tu permets dit-il doucement tout en nettoyant avec soin ses mains au lysol et au savon. Quant au docteur Adler, il semblait vouloir reprendre sans tarder son travail interrompu. Il avait déjà rallumé la lumière idoine, réglait la vis micrométrique et regardait dans le microscope. Lorsque Fridolin s'approcha de lui pour prendre congé, le docteur Adler était déjà replongé dans son travail. Tu veux regarder un peu cette préparation ? demanda-t-il. Pourquoi ? [...]
[...] Ces aspects donnent à ce lieu une certaine importance, un caractère sacré, on remarque d'ailleurs que Adler désigne la morgue comme un sanctuaire II / Eros et Thanatos. La morgue appelée sanctuaire par Adler, correspond à un monde clos. Il est clairement délimité par des portes et il faut traverser de nombreux couloirs pour y accéder. Contrairement à la soirée dans la villa, la présence de Fridolin n'est pas considérée comme une intrusion (d'ailleurs la porte n'en était pas fermée (p.155)) mais elle est insolite et peu souhaitée, un Entrez ! [...]
[...] Fridolin entrelace ces doigts avec ceux de la morte comme il le faisait avec Albertine dans le chapitre précédent. Le choix narratif de Schnitzler est de raconter les évènements à travers la conscience de Fridolin. L'intrusion du fantastique peut donc être interprétée comme sortant de l'imagination de Fridolin qui, subjugué par le corps de la femme, bascule dans une sorte de folie dont il sauvé in extremis par Adler. En effet, les dialogues intérieurs qui précèdent l'évènement surnaturel, décrivent l'état psychologique de Fridolin. [...]
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